La Guinée retient son souffle. À moins de trois semaines de la présidentielle du 28 décembre, le pays s’est engagé dans une campagne électrique où neuf candidats se succèdent sur les estrades. Mais derrière ce décor démocratique, un duel central s’impose : celui du Général Mamadi Doumbouya, maître de la Transition depuis le coup d’État de 2021, et Abdoulaye Yéro Baldé, ancien ministre et technocrate rigoureux du FRONDEG.
Un face-à-face qui réveille un souvenir que l’Afrique de l’Ouest n’a pas oublié.
L’histoire semble se répéter.
En octobre 2000, le Général Robert Guéï tente de confisquer la présidentielle ivoirienne malgré la victoire de Laurent Gbagbo. La rue se soulève. L’armée hésite. Le pouvoir bascule. Le militaire fuit.
Vingt-cinq ans plus tard, le scénario trouve un écho troublant en Guinée.
Ici aussi, un général organise une élection à laquelle il se présente.
Ici aussi, les moyens de l’État semblent pencher du même côté.
Ici aussi, un civil expérimenté incarne l’alternative démocratique.
Yéro Baldé, le technocrate qui avait dit non
À 60 ans, Abdoulaye Yéro Baldé porte un parcours qui rassure les milieux économiques et séduit une partie de la jeunesse. MBA de Columbia, ancien cadre de la Banque centrale, ex-ministre. Sa rupture avec Alpha Condé en 2020, lorsqu’il démissionne pour refuser le troisième mandat, a forgé son identité politique : un homme de principes.
Aujourd’hui, il promet 20 milliards de dollars d’investissements, un million d’emplois, une justice indépendante et la transparence totale des contrats miniers.
Mais son handicap est clair : il n’a pas les leviers de l’État, ni la visibilité dont jouit son adversaire militaire.
Doumbouya, l’offensive du bilan
De l’autre côté, Mamadi Doumbouya déroule un argumentaire rodé : routes, échangeurs, hôpitaux, écoles modernes, aéroport rénové, Cité administrative de Koloma, relance du mégaprojet Simandou. Une transition qui se présente comme un “chantier national”.
Autour de lui, une machine politique huilée, dotée de moyens considérables, unie par des alliances multiples. Mais un problème persiste : sa candidature viole l’engagement pris devant la CEDEAO de ne pas participer au scrutin, entachant la crédibilité du processus.
Un parallèle troublant… jusqu’aux détails
Entre la Guinée 2025 et la Côte d’Ivoire 2000, six ressemblances frappent :
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un militaire putschiste candidat ;
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un civil face à lui ;
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un appareil d’État mobilisé ;
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des opposants exclus ;
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une tension nationale élevée ;
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un risque de manipulation des résultats.
Dans cette histoire, une seule inconnue pourrait tout changer : la réaction du peuple.
Deux visions pour le pays
Ce vote dépasse les ambitions personnelles. Il oppose deux trajectoires :
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La voie Doumbouya, celle d’un pouvoir militaire prolongé, risquant l’isolement international.
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La voie Yéro Baldé, celle d’un retour au civil, d’une gouvernance technocratique et d’une réintégration régionale.
Le choix ressemble moins à une compétition électorale qu’à une bifurcation historique.
La dernière leçon de 2000
Abidjan avait montré trois vérités :
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la rue peut protéger les urnes ;
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l’armée n’obéit pas toujours à l’injustice ;
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la communauté internationale peut peser lourd.
Le 28 décembre 2025, les Guinéens ne voteront pas seulement pour un nom sur un bulletin.
Ils décideront si le pouvoir vient des armes… ou des urnes.
