La cour suprême: le Procureur Général, Maurice  Lamey Kamano solennellement installé

Conakry (journaldeconakry.com) – La cour suprême de la République de Guinée a abritée l’audience de prestation de serment du nouveau Procureur Général près la cour suprême ce jeudi 20 septembre 2018, en présence du Ministre d’Etat, Ministre de la justice, Garde des Sceaux, Me Cheick SAKO et plusieurs hauts magistrats.

L’intégralité du discours du premier président Mamadou Sylla.

Mesdames et Messieurs de la Cour,
Mesdames et Messieurs
La présente audience de prestation de serment va marquer l’entrée en fonction et l’installation de Monsieur Maurice Lamey KAMANO, ici présent, nommé Procureur général près la Cour suprême par le décret № 136 /PRG/SGG, en date du 06 Août 2018

Monsieur le Procureur Général

Voici venu un autre premier contact avec l’institution judiciaire, contact d’une autre nature, différente de celle que vous avez vécue pendant plus de trois décennies, dans un moment où votre famille, vos amis, tous vos proches et vous-même êtes tout à la joie de votre nomination à l’une des plus hautes fonctions de la plus haute juridiction judiciaire de l’Etat, dont les exigences, et même les contingences, vont dorénavant empreindre votre vie d’une énergie et d’une orientation nouvelles.

Recevez, par ma voix, les félicitations de la Cour à laquelle vous appartenez désormais et dont les membres vous accueillent avec la prévenante urbanité qui sied à la confraternité et la collaboration.

Pour avoir vécu, il y a quelques années, comme Procureur général et comme Premier Président, de tels instants dominés à la fois par l’allégresse et la foi, je mesure l’étrange sentiment d’ambivalence qui vous habite, en ce moment où la Cour suprême doit recevoir votre serment, en tant que nouveau membre du corps des magistrats, nouveau membre de ladite Cour et nouveau Chef du Parquet général.

Vous allez apprendre à connaître, d’une autre manière et sous d’autres angles, cette institution que vous avez longtemps fréquentée et, surtout, apprendre à servir le Parquet, auquel vous avez souvent été opposé ou qui a été occasionnellement partie jointe dans des causes et affaires dont vous portiez la voix et représentiez les intérêts.
Vous allez redécouvrir le prétoire, mais de l’autre côte de la barre, certainement vous en contemplerez le décor différemment et, vous remémorant silencieusement certains souvenirs, vous sourirez intérieurement.
Monsieur le Procureur Général,

La cérémonie solennelle de prestation de serment de ce matin répond aux exigences des articles 11 et 13 de la loi organique 054/CNT du 7 mai 2013 portant statut des magistrats. Vous venez de prêter, avec solennité, le serment destiné à fixer vos devoirs, dans la double qualité de Magistrat et de Procureur général, investi des hautes responsabilités attachées à l’appartenance à ce corps prestigieux et à cette si lourde et exaltante fonction, bâtie sur des valeurs de dignité, d’audace, d’intransigeance, d’objectivité, de neutralité, disons d’éthique élevée, qui caractérise les hommes et femmes d’honneur.

Vous avez déjà prêté serment, serment d’un autre ordre, d’un autre corps professionnel, celui d’Avocat. Je ne doute donc pas que vous connaissez le sens et les valeurs fondamentales et communes d’une profession contenues un tel le texte. Mais permettez que je rappelle que le texte du serment, que vous venez de prêter, renferme la quintessence de la profession de magistrat que vous embrassez et celle des missions inhérentes aux hautes responsabilités que les lois ont dévolues aux magistrats du Parquet général de la Cour suprême.

Par ce serment, vous adhérez à un autre système permanent d’éthique et de déontologie et vous vous inscrivez dans une nouvelle fois dans une corporation d’hommes et de femmes qui cimentent, par leur posture morale et leurs actions quotidiennes, les fondements de sécurité et de quiétude du vivre-ensemble.
Monsieur Maurice Lamey KAMANO

Il est certain qu’à partir de maintenant, vous vous habituerez à ne plus être appelé ‘’Maître’’, pour entendre ‘’Monsieur’’, puisque vous quittez la robe d’Avocat pour endosser la robe de Magistrat. C’est le serment qui imprime à ces robes le symbolisme sacramentel qui honore le porteur.

Ceci dit, il ne me semble pas superflu de souligner, par ailleurs, que la profession de magistrat est une étoile à huit branches, lesquelles constituent les principes intangibles et immuables de l’exercice des charges qui vous incombent désormais, à savoir l’indépendance, l’impartialité, la compétence, l’honneur, la dignité, la loyauté et l’intégrité ; toutes vertus qui vous sont familières, puisque votre précédente profession les partages avec l’actuelle.

Je suis magistrat, comprenez alors que je ne puisse pas résister à l’inclination possessive de rappeler la beauté et la noblesse de ma profession, un métier passionnant, mais difficile, un métier d’engagement, qui place le juge au cœur de la société. La difficulté de notre métier réside dans l’obligation de l’institution judiciaire d’insuffler à chaque citoyen la certitude de son impartialité et de sa probité morale, excluant toute restriction mentale et tout comportement pouvant donner l’impression d’un parti pris du juge qui a choisi d’être un arbitre neutre.

Il vous faudra donc concilier les anciennes habitudes de l’Avocat, plaideur d’une cause et des intérêts individuels avec cette ambiance austère des parquets, dont vous êtes désormais le chef, pour emboucher le clairon de la loi et faire entendre le son de l’intérêt général, sur fond de neutralité et d’objectivité.

Mon devoir, en cette circonstance particulière est de vous intéresser à l’essentiel, pour vous redire ce que vous savez déjà. N’étant pas seulement qu’une simple formalité, le serment n’est pas à oublier. Il doit suivre l’impétrant tout au long de sa carrière et graver dans son cœur et sa mémoire tous ses principes que sont l’intégrité, la probité et le respect de la loi. Ce sont ces principes qui nous servent de repère et rendent le métier de magistrat très exceptionnel.
Notre métier, je l’ai dit tout à l’heure, est difficile, d’une part à cause du manque de moyens au sein de l’institution judiciaire, manque qui empêche de produire des prestations de qualité maximale, d’autre part, en raison de l’ampleur des responsabilités qui impose de s’interroger en permanence sur ce que l’on fait et sur ce que l’on décide.

En aucune circonstance, ces difficultés ne doivent justifier les faiblesses individuelles auxquelles nous pourrions céder.

Être magistrat comporte l’obligation d’accueillir le citoyen, de permettre aux justiciables de s’exprimer, d’être écouté ; c’est également s’interroger en permanence, douter souvent, tenter de comprendre toujours, essayer de faire la part des choses entre la sincérité, l’erreur et le mensonge et décider. C’est aussi découvrir, chaque jour, toutes les facettes, parfois surprenantes, quelques fois stupéfiantes, de la nature humaine.

Être magistrat, vous le savez déjà, Monsieur le Procureur général, n’est pas seulement exercer une profession. La magistrature est un état d’esprit et un engagement de cœur, en vue d’apporter des solutions à des litiges parfois vifs, des réponses à des demandes pressantes de justice et, par voie de conséquence, réduire les tensions, dans le but de rétablir des équilibres, de veiller au respect des droits de chacun, de protéger les uns contre les agressions des autres, d’accompagner et aider des personnes en difficulté, d’analyser et faire progresser le droit dans un environnement social, juridique et humain en constante évolution.

Dans la logique des articles 13 à 15 de la loi organique 054/CNT, la prestation de serment est, d’une part, une formalité obligatoire pour tout magistrat, lors de sa nomination à son premier poste, et avant d’entrer en fonction, car tout acte judiciaire accompli par un magistrat, qui n’aurait pas préalablement prêté serment, encourt nullité.
D’autre part, elle est l’occasion d’une importante cérémonie d’installation, qui vise deux objectifs : d’un côté, accueillir officiellement et solennellement le nouveau membre, dans sa nouvelle famille professionnelle et, de l’autre, le présenter à la cité et à la nation, afin que nul ne doute de sa qualité et de la légitimité des actes qu’il pose.
L’image de marque d’une nation, d’un pays, d’une région est projetée par la justice. Les critères de base, d’efficacité et de crédibilité qui assoient cette justice ne sont autres que la personnalité, la volonté, l’effort, la compréhension et le support mutuel de ses membres.

Dans sa mission de service public, la Cour suprême, placée au sommet de la pyramide judiciaire, doit faire preuve, à mon sens, d’ouverture et d’accessibilité facile. En tant que membres de la Cour, nous allons prendre des décisions en collégialité et en degré de cassation, au service du citoyen, de la société et de l’Etat. Je suis convaincu que vous vous m’investirez, Monsieur le Procureur Général, à mes côtés et ceux de tous nos collaborateurs, pour l’administration d’une justice de qualité respectueuse délais prescrits par la loi.

Ainsi, nous nous consacrerons, comme Magistrats de cette prestigieuse Cour suprême, pleinement à nos fonctions respectives, avec loyauté et confiance.

La loyauté qui permet de tout se dire, de tout mettre sur la table et la confiance qui encourage à ne rien se cacher, afin que dans l’exercice de nos responsabilités respectives, nos décisions soient prises en temps utile et que nos collaborateurs conservent l’intérêt vigilant et le dynamisme catalyseur d’une collégialité féconde.
Je vous félicite Monsieur le Procureur pour le choix qui vous appelle et vous commissionne et surtout pour votre brillant parcours professionnel ; je vous exhorte à apporter l’immense contribution que vos désormais collègues attendent de vous pour redorer le blason de l’appareil judiciaire.

Que Dieu nous accorde l’esprit de discernement de Salomon, pour nous permettre de nous montrer égal envers tous ceux qui s’adressent à notre institution et croient en la justice, tant dans l’expression de notre visage et de nos délibérations, que dans nos décisions, afin que nul privilégié de la fortune ne puisse espérer notre partialité et nul faible ne désespère de notre justice,

Nous avons promis et juré solennellement, en application de l’article 30, alinéa 2 du Statut des magistrats, de nous interdire toute attitude, manifestation ou action contraires à nos devoirs de réserve, d’indépendance, d’impartialité et de loyaux magistrats, notamment :
• toute démonstration ou prise de position politique ainsi que toute action concertée de nature à entraver le bon fonctionnement de la Cour ;
• toute prise ou conservation d’intérêt, sous quelque forme que ce soit, directement ou par personne interposée, dans un organisme sur lequel s’exercent les contrôles de la Cour ;
• toute forme de discrimination.

Les magistrats de la Cour suprême, je le rappelle avec insistance, ne peuvent exercer aucune autre activité publique ou privée, ni aucun mandat électif, ni aucune activité rémunérée, sous réserve de travaux scientifiques, littéraires ou artistiques ou caritatifs, non contraires à l’intérêt du service ou de la société et des droits humains.
Par ma voix, les membres de cette Cour sont heureux de vous souhaiter la bienvenue dans notre grande famille judiciaire composée de près de 400 magistrats.

En vous adressant toutes nos plus vives félicitations à l’occasion de cette prestation de serment d’installation dans vos nouvelles fonctions, nous vous assurons de notre confiance et de notre disponibilité, afin que vos nouvelles missions s’accomplissent dans les meilleures conditions possibles, celles qu’attendent la magistrature et nos concitoyens.

Sur ces mots, et en vous renouvelant nos vœux de plein de succès, la Cour vous donne acte du serment prêté et vous renvoie à l’exercice de vos fonctions à la tête du Parquet général près la Cour suprême.
Dit que de tout, il sera dressé procès-verbal, conformément à loi, et que le Chef du greffe de la Cour vous en donnera acte, le tout conformément à loi.

Je vous remercie

Mamadou SYLLA