La RĂ©publique de GuinĂ©e est confrontĂ© Ă une crise sociopolitique sans prĂ©cĂ©dent. Des crises qui perdurent depuis plusieurs mois maintenant. Les acteurs de la sociĂ©tĂ© civile multiplient les appels Ă la paix et Ă la non violence. C’est le cas de Mamadou Kaly Diallo, activiste des droits de l’homme et chargĂ© des relations entre le programme DĂ©mocratie sans violence de la baĂŻllonette intelligente et la plate forme des jeunes leaders de l’axe pour la DĂ©mocratie et le dĂ©veloppement (PJDD).
De la grĂšve des enseignants, Ă la crise politique en passant par la violation des droits de l’homme, Kaly Diallo passe en peigne fin les maux dont souffre la GuinĂ©e avant de lancer un appel Ă l’endroit des diffĂ©rents acteurs du pays.
Bonjour, quelle lecture faites vous de la situation sociopolitique de la Guinée?
La situation sociopolitique de la RĂ©publique de GuinĂ©e est prĂ©occupante, dans la mesure oĂč dans divers domaines pour ne pas dire dans tous les domaines, il y’a des problĂšmes, il y’a des conflits majeures et qui tendent mĂȘme Ă atteindre l’escalade de la violence donc l’apogĂ©e. PrĂ©noms le secteur Ă©ducatif, si bien que c’est le devoir du gouvernement d’offrir aux enfants en Ăąge d’aller Ă l’Ă©cole l’Ă©ducation, depuis le 02 octobre l’ouverture des classes n’est pas effective. Il y’a une grĂšve dĂ©clenchĂ©e par le syndicat libre des enseignants qui, pratiquement, fait deux mois et l’option prise par le gouvernement c’est la fermetĂ©, l’arrogance. Il n’y a pas de dialogue, les Ă©lĂšves ne partent pas Ă l’Ă©cole, ils commencent Ă s’indigner un peu partout et organisent des manifestations parfois mĂȘme violentes. En plus il y’a eu le gĂšle de salaire des enseignants qui protestent Ă travers des sit-in qui sont aussi rĂ©primĂ©s par des gaz lacrymogĂšnes par endroits et les forces de l’ordre sont accusĂ©s mĂȘme d’avoir utilisĂ© des armes non conventionnelles, de maniĂšre disproportionnĂ©e. Aussi il y’a que ces derniers temps, des enseignants qui Ă©taient lĂ juste pour rĂ©clamer la rĂ©ouverture du dialogue entre la structure syndicale tout en rappelant que c’est le droit Ă tout un syndiquĂ© d’aller Ă la grĂšve, mais que le gouvernement a optĂ© pour des condamnations mĂȘme. Ce qui fait qu’aujourd’hui il y’a des enseignants qui sont condamnĂ©s Ă LabĂ© ainsi qu’Ă Conakry Ă six mois avec sursis. Il faut rappeler que Nelson Mandela avait dit que
« L’arme la plus puissante qu’on peut offrir Ă une population c’est l’Ă©ducation ». Donc aujourd’hui l’Ă©ducation est bafouĂ©e.
Sur le plan politique, c’est une honte aujourd’hui que la GuinĂ©e rend une image aussi nĂ©faste, du jamais vu sur le plan nĂ©gatif, c’est d’avoir organisĂ© les Ă©lections locales depuis le 04 fĂ©vrier jusqu’Ă prĂ©sent et on arrive pas Ă installer effectivement les conseillers Ă©lus. C’est une honte ! J’ai l’impression que les dirigeants que nous avons, si bien que le prĂ©sident de la RĂ©publique aime revendiquĂ© un combat de 40 ans de lutte pour le respect des libertĂ©s syndicales, le respect des droits de l’homme malheureusement nous voyons un discours thĂ©orique qui est loin d’ĂȘtre une rĂ©alitĂ© sur le terrain en matiĂšre de pratique. C’est donc un recule en matiĂšre de DĂ©mocratie.
Que pensez vous de l’installation des PA dans la commune de Ratoma?
Il y’a une zone militarisĂ©e, c’est la zone de l’axe oĂč des citoyens se plaignent en longueur de journĂ©e, des raquettes dont ils seraient victimes des forces de l’ordre membres de ces PA et surtout qu’il y’a des arrestations arbitraires pendant les manifestations sans parler des tirs Ă balles rĂ©elles donc de l’usage disproportionnĂ©e de la force. Donc ils ne rĂ©pondent pas aux rĂšgles standards de maintien d’ordre. Bref nous sommes aujourd’hui Ă deux flĂ©aux trĂšs grave, trĂšs dangereux. Nous sommes Ă la banalisation de la vie humaine et mĂȘme Ă la vulgarisation de la violence. Il me semble qu’il plaĂźt aux gouvernants actuels d’entrer dans une logique de contradiction avec l’opposition pour dire que c’est vous qui avez fait sortir les manifestants, ce sont eux qui sâentre-tuent alors qu’on oublie que c’est un devoir rĂ©galien de l’Ătat d’assurer la sĂ©curitĂ© des personnes et de leurs biens. Et d’ailleurs en se fondant sur l’article 141 de notre constitution, on dit que les forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© sont apolitiques, elles doivent ĂȘtre rĂ©publicaines et sont soumises Ă l’autoritĂ© civile et elles doivent veiller Ă la sĂ©curitĂ© publique, Ă la sĂ©curitĂ© des personnes et de leurs biens ainsi qu’Ă la dĂ©fense du territoire national. Aujourd’hui qu’il y ai 103 citoyens guinĂ©ens morts et qu’il n’y ai pas des enquĂȘtes sĂ©rieuses, qu’on arrive pas Ă identifier un seul prĂ©sumĂ© auteur de ces assassinats et qu’il soit traduit devant les tribunaux alors que vous voyez la rapiditĂ© avec laquelle la justice guinĂ©enne agit quand il s’agit des responsables de l’opposition ou de la sociĂ©tĂ© civile. Je dis que çà c’est vraiment prĂ©occupant. Ce sont des pratiques qui rĂ©voltent les citoyens. (…..).
Quelle lecture faites vous de ces crises en répétition dans le pays?
MalgrĂ© que l’article 52 de la constitution confĂšre au premier ministre chef du gouvernement, la prĂ©rogative d’ĂȘtre le garant du dialogue avec les syndicats et les partis politiques, il refuse d’ouvrir le dialogue, les nĂ©gociations ni avec les partis politiques, ni avec les syndicats. Et pourtant c’est de son rĂŽle constitutionnel et c’est dans les intĂ©rĂȘts de la RĂ©publique.
Le prĂ©sident de la RĂ©publique a rachetĂ© le concert de DJ Oudy sur l’esplanade du palais du peuple. Quelle impression cela vous a t-il donnĂ©?
Qu’il y ai une crise sociale due Ă une rĂ©clamation des syndicats, qui estiment qu’ils ont le droit Ă une condition de vie amĂ©liorĂ©e, ce qui est normale, qui rĂ©clament huit millions comme salaire de base et qui ne disent pas forcĂ©ment qu’il faut les huit millions, voyant tous ces aspects et que le prĂ©sident de la RĂ©publique aille dans un concert, ou-bien paie un concert, je pense que ce n’est pas comme ça surtout avec une telle somme qui avoisinerait un milliard, je dis que ce n’est pas comme ça Ă mon avis il faut prioriser les choses. Peut ĂȘtre que faire un geste Ă l’endroit du SLEECG pour que les Ă©lĂšves puissent reprendre effectivement les cours. Je pense que ce geste aurait mieux valu aussi important que de prendre l’argent et de racheter des concerts. Ă mon avis ce qui est urgent aujourd’hui, c’est de voir comment les Ă©lĂšves guinĂ©ens puissent reprendre rapidement le chemin de l’Ă©cole et de façon effective.
On a l’impression que certains propos tenus par des hauts cadres du pays contribuent Ă aggraver la crise. Qu’en pensez vous?
En GuinĂ©e l’Ătat a toujours pensĂ© que le caractĂšre rĂ©pressif pourrait arranger les choses et les acteurs politiques ne se rendent pas compte parfois de l’ampleur des messages qu’ils diffusent. Quand j’ai suivi l’Honorable Damaro Camara, prĂ©sident du groupe parlementaire du RPG arc en ciel, qualifiant les citoyens d’une zone qui est l’axe de bandits de grand chemin et qui demandent mĂȘme aux forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© Ă venir avec les armes Ă feu pour maintenir l’ordre, il sort de l’Ă©tablissement de l’ordre parce que l’article 6 de notre constitution stipule Ă son dernier alinĂ©a que rien ne doit justifier la violence. Et d’ailleurs il faut prĂ©cisĂ© que la GuinĂ©e a ratifiĂ© des engagements qui protĂšgent la vie de la personne humaine et de sa dignitĂ©. Quand une personne de telle trempe parle comme ça, il faut s’attendre Ă la frustration que cela va susciter au sein de la communautĂ©. Je ne suis pas Ă©tonnĂ© parce qu’on a vu ailleurs, les personnes morales servent d’exemples. Malheureusement on a vu la sortie de l’imam centrale de Kindia, ou la sortie ressente du kountigui de la basse cĂŽte Ă Kindia. Toute ces violences verbales qui sont punies par notre constitution sont laissĂ©es Ă dessein. Les consĂ©quences sont Ă©normes et les consĂ©quences sont nĂ©fastes et dangereuses parce qu’elles appellent Ă une frustration, Ă une accumulation de frustration et cela peut appeler parfois Ă nourrir le sentiment de vengeance et c’est ce qu’il faut Ă©viter Ă la GuinĂ©e. Je pense que la justice guinĂ©enne est la solution Ă tous ces problĂšmes. La justice guinĂ©enne doit sĂ©vir de façon impartiale et non partisane. Elle doit ĂȘtre impartiale, indĂ©pendante qui rĂ©pond aux attentes des justiciables. C’est avec ça que nous pouvons construire un Ă©tat de droit sans violence oĂč chaque citoyen se sentira sĂ©curisĂ©, protĂ©gĂ©, et ne faillira pas Ă la loi.
Quel appel avez vous à lancer aux différents acteurs de la vie sociopolitique de la Guinée?
Je lance un appel Ă l’endroit des populations guinĂ©ennes pour dire Ă tous ceux qui s’adonnent Ă la pratique d’accepter d’ĂȘtre rançonner par les forces de l’ordre qui viennent arrĂȘter arbitrairement des paisibles citoyens, qui demandent de l’argent, il faut refusĂ© cela parce que c’est de la maniĂšre lĂ qu’on peut arrĂȘter la pratique. Il faut se rĂ©fĂ©rer aux organisations de dĂ©fense des droits de l’homme, il faut contacter les avocats qui agissent dans l’humanitaire et sur le plan des droits de l’homme et il faut dĂ©noncer Ă travers les mĂ©dias. J’appelle humblement Ă monsieur le prĂ©sident de la RĂ©publique pour un souci de paix. Le prĂ©sident de la RĂ©publique doit avoir le souci de la prĂ©servation de la paix et de l’unitĂ© nationale, il doit tenir une dĂ©claration solennelle appelant Ă la protection, Ă la promotion, au respect des droits de l’homme et de la loi fondamentale.
Ă tous les acteurs politiques, d’Ćuvrer dans le cadre de la culture citoyenne .
Je lance un appel particulier Ă l’endroit de la justice guinĂ©enne, aujourd’hui les causes de la crise que nous vivons aujourd’hui sont liĂ©es aux Ă©lections locales et tout a dĂ©butĂ© dans les CACV donc la justice. On ne connaĂźtra pas l’importance de la paix tant qu’on vit en paix.