Chaque jour, on se rend compte combien il est difficile de faire passer le pays avant tout le monde, de conviancre chacun que son sort personnel importe peu, ou nâimporte pas du tout quand lâintĂšrĂȘt de la GuinĂ©e est en jeu, ou le bien-ĂȘtre des GuinĂ©ens attend dâĂȘtre satisfait.
Le PrĂ©sident Alpha CondĂ© a bien rĂ©sumĂ© la situation en rĂ©pĂ©tant, autant de fois que nĂ©cessaire dans un pays oĂș le âmoi haissableâ veut continuer Ă prendre le dessus, quâon ne peut se rĂ©soudre Ă satisfaire des groupes dâintĂ©rĂȘt et dâinfluence, se plier aux exigences des Ă©lites puissantes au dĂ©triment des droits et des aspirations lĂ©gitimes de la majoritĂ© des GuinĂ©ens, des âsans voixâ.
Câest une lutte des « classes » et des « castes » qui dure depuis trop longtemps, aliĂšne les populations et contribue Ă isoler les Ă©lus et affaiblir la DĂ©mocratie. Mais, câest surtout le terreau nourricier de tous les extrĂ©mismes, et des dangereux populismes qui laissent croire que la solution aux oligarchies qui se constituent dans les rĂ©gimes libĂ©raux et dĂ©mocratiques, câest lâinitiative dâune ârĂ©volution citoyenneâ prĂ©textant redonner le pouvoir au peuple qui ne peut pourtant pas lâexercer directement, bref, un remĂšde pire que le mal quâil est censĂ© soigner.
Mais, câest toujours la faute Ă des âintellectuelsâ qui ont lâexplication Ă tout, nâont la solution Ă rien, qui prĂ©fĂšrent bercer les populations de lâillusion que tout est possible, que le meilleur est Ă chercher mĂȘme sâil nâarrivera jamais, plutĂŽt que dâaider Ă cultiver la responsabilitĂ© face Ă une vie difficile, Ă Ă©duquer les citoyens afin quâils acceptent et affrontent la rĂ©alitĂ©. Ils disent dĂ©fendre le bien, mais, se retrouvent Ă soutenir le mal ; ils prĂ©tendent se prĂ©occuper du peuple pour se donner bonne conscience, mais, en rĂ©alitĂ©, ils sont affiliĂ©s Ă des lobbys souterrains et prĂȘchent pour des chapelles aux motivations inavouables.
Et lorsquâil arrive par hasard, ou par accident, quâils disposent dâun pouvoir de dĂ©cision ou accĂšdent au pouvoir, eux-mĂȘmes sont victimes des illusions quâils ont alimentĂ©es, de la surenchĂšre quâils ont entretenue, de lâimposture quâils ont cautionnĂ©e. Un retournement de situation frĂ©quent qui ne semble pas avoir instruit ni dissuadĂ© de sâengager dans la dĂ©magogie. Et, lâhistoire continue Ă se rĂ©peter.
En GuinĂ©e, comme ailleurs, on ne sâexplique jamais Ă propos de la nomination Ă un poste qui est un privilĂšge convoitĂ© par beaucoup, quâon lâassume ou non, mais, on le vit comme une rĂ©compense, un mĂ©rite, une chance dans la vanitĂ© humaine.
A lâinverse, un dĂ©part ou un limogeage est vĂ©cu comme une injustice, si on ne lâexplique pas par une cabale ou la cruautĂ© du âsystĂšmeâ. En clair, on est nommĂ© pour soi, dĂ©chu Ă cause dâautres, dâune tribu, dâun clan, dâun systĂšme. Alors quâau mĂȘme moment, beaucoup, dans les mĂȘmes conditions, face aux mĂȘmes adversitĂ©s invoquĂ©es, accomplissent avec compĂ©tence leurs missions et font face aux contraintes et dĂ©fis de leurs responsabilitĂ©s. Ne sâagit-il pas donc de se dĂ©fausser et de distraire lâopinion de ses propres manquements et faiblesses notoires ? Autrement dit, se prĂ©valoir de ses propres turpitudes ? La faute de nos Ă©checs, Ă qui ?
Chacun devrait savoir quâon ne peut faire une carriĂšre illimitĂ©e dans un poste, ni rester Ă vie dans ses fonctions. Comme il nây a pas dâexplication au pouvoir discrĂ©tionnaire du PrĂ©sident de la RĂ©publique de nommer aux postes civils et militaires, il nây a pas de raisons ou de justifications Ă donner lorsquâil use du mĂȘme pouvoir pour mettre fin Ă une fonction ou Ă limoger dâun poste.
âQuand on naĂźt, on est assez vieux pour mourirâ, enseigne le philosophe. Chacun sait aussi que lâexercice du pouvoir ou la fonction dâEtat (et les postes de responsabilitĂ© dans lâadministration publique), nâĂ©tant pas donnĂ© ou obtenu par rĂ©compense ou pour dâautres raisons irrationnelles ou subjectives, pourquoi serait-ce une punition quâon puisse en ĂȘtre dĂ©lestĂ©, voire un acte de trahison et dâingratitude Ă lâĂ©gard de qui ce soit ?
Ce nâest pas le rĂŽle des mĂ©dias, si tant est quâils se soucient de ce qui est bon pour le pays, dâaccompagner les Ă©lites dans leurs rĂ©criminations destinĂ©es Ă se dĂ©douaner dans les espoirs déçus, ni la vocation des citoyens de pleurer sur le sort de responsables qui montrent leurs limites dans leurs charges ou passent Ă cĂŽtĂ© de leurs missions.
Le Professeur Alpha CondĂ© sait ce que son peuple attend de lui, qui est de rĂ©tablir la justice dans tout, de garantir lâĂ©galitĂ© de chances entre les citoyens, de ne pas hĂ©siter ou reculer quand il sâagit du bonheur et de la prospĂ©ritĂ© de tout le pays. Personne nâest dupe non plus quâune telle entreprise, comme toutes celles qui touchent Ă des intĂ©rĂȘts, va bousculer des habitudes, remettre en cause des acquis, et que des certitudes seront raillĂ©es, caricaturĂ©es, dĂ©nigrĂ©es par ceux-lĂ mĂȘme qui lâont souhaitĂ©e sans trop y croire et le vouloir. Mais, comme toujours, le peuple et lâhistoire devant lesquels il est comptable, quand ce dĂ©fi, tous les dĂ©fis seront relevĂ©s lui en seront infiniment grĂ©.
Parmi ces dĂ©fis, lâambition que le PrĂ©sident Alpha CondĂ© porte et partage maintenant avec ses compatriotes, et qui fait tant peur Ă ceux qui voudraient voir la GuinĂ©e Ă la remorque des autres, de faire en sorte que le pays sâimpose comme la deuxiĂšme Ă©conomie de lâAfrique de lâouest, aprĂšs le gĂ©ant nigĂ©rian.
La GuinĂ©e en a le potentiel, son PrĂ©sident le veut, et comme on dit, âvouloir, câest pouvoirâ.
Le chemin dans lequel le PrĂ©sident sâest rĂ©solument engagĂ©, est aussi celui de valoriser lâagriculture du pays afin de gagner son pari connu de tous : âproduire ce que nous consommons, consommer ce que nous produisonsâ. Bien au-delĂ , la GuinĂ©e nâest-elle pas considĂ©rĂ©e comme un « scandale agricole » ? Câest dire quâelle a vocation, et câest un autre dĂ©fi pour le Professeur Alpha CondĂ©, Ă devenir le grenier de lâAfrique, selon lâheureuse formule (et programme) chĂšre Ă son ami et alliĂ©, le PrĂ©sident de la BAD, âlâAfrique qui nourrit lâAfriqueâ.
La GuinĂ©e, rĂ©putĂ©e ĂȘtre un scandale gĂ©ologique dispose, par ailleurs, quasiment de toutes les matiĂšres premiĂšres pour ĂȘtre dans un proche avenir une grande puissance industrielle.
Pour rendre les hommes et les peuples heureux, il faut le faire sans se poser trop de questions, ni se laisser envahir par des doutes, mais il faut surtout ignorer les prĂ©jugĂ©s et affronter tous les tabous. Comme on le remarque dans la vie et le voit aussi dans lâhistoire. Lâhomme qui a dĂ©jĂ Ă©chouĂ© est celui qui ne veut rien tenter, et croit que tout ce qui est difficile sera toujours impossible.
Tibou Kamara