– les bureaux d’études et de vérification;
– le secteur privé (et en particulier les entreprises qui réalisent les travaux d’infrastructures, ainsi que les fournisseurs d’équipements ou les prestataires impliqués dans la réalisation du projet);
– différents experts ou corps de métiers (avocats, commissaires aux comptes, architectes, experts environnementaux).
Quelles sont vos ambitions en matière de financement des infrastructures, à la veille de votre prochain plan stratégique ?
Le Groupe BGFIBank compte lancer, dès janvier prochain, son nouveau Projet d’entreprise « Dynamique 2025 », succédant ainsi au Projet d’entreprise « Excellence 2020 » lancé en 2016 et qui arrive à terme cette année. Parmi les grandes ambitions exprimées dans la nouvelle dynamique du Groupe BGFIBank, nous entendons nous hisser durablement parmi les établissements de référence en Afrique en matière de financement des investissements structurants.
Très prochainement, nous allons d’ailleurs dévoiler les premiers projets structurants que nous allons accompagner dans le cadre de notre prochain plan de développement. Des changements importants interviendront dans nos politiques et nos pratiques, pour nous permettre notamment de mieux répondre aux besoins des investissements dans les infrastructures africaines. Nous allons par exemple accorder davantage de prêts bancaires à long terme et recourir à davantage de financements innovants (financements participatifs, etc.).
Notre parfaite connaissance de nos environnements nous a déjà permis d’identifier les projets structurants que nous serons disposés à accompagner à travers divers programmes de financement. La conscience, la volonté et l’engagement des parties prenantes nous confortent dans notre détermination de faire émerger sur nos différents marchés un flux important de projets structurants bancables, indispensables au développement de l’Afrique.
Comment la crise liée à la Covid-19 change-t-elle la donne aujourd’hui pour les projets d’infrastructures et leurs financements ?
La crise inédite liée la pandémie du coronavirus que traverse le monde actuellement a eu un impact indéniable et multiforme sur les projets d’infrastructures en Afrique.
À l’instar des autres secteurs économiques, le secteur des infrastructures a été durement impacté par la crise de la Covid-19 : il a subi le ralentissement de leur rythme d’exécution voire leur arrêt, le report de certains projets, l’indisponibilité du personnel, le déficit d’approvisionnement des fournisseurs qui a engendré la pénurie de certains intrants… Le retard potentiel sur le calendrier de plusieurs projets est quasiment certain. Par ailleurs, des surcoûts devront être enregistrés en raison des mesures d’adaptation induites par la pandémie (nouvelles normes de sécurité et sanitaire, horaires de travail…).
Jusqu’ici, les États étaient les principaux investisseurs dans les projets d’infrastructures, avec une contribution de 37 %, à travers le recours à l’endettement auprès de la Chine et d’autres bailleurs de fonds internationaux. Les ressources publiques ont été mises sous pression par cette crise sanitaire sans précédent. Dans le même temps, les capacités d’endettement des États sont de plus en plus réduites, en raison des effets de la crise, des programmes de soutien et de relance économique, dont l’ampleur et l’urgence ont été dictées par la Covid-19.
Dans ce contexte, l’amenuisement des ressources publiques couplé à l’accroissement de l’endettement afin de lutter contre la Covid-19 ont eu pour effet de modifier l’agenda de nombreux projets en cours. Par ailleurs, les États sont contraints de repenser la manière de financer leurs infrastructures. Le modèle traditionnel basé sur leur endettement peut ne plus suffire pour permettre au continent africain de combler son retard infrastructurel.
Les projets d’infrastructures en phase d’exploitation, pour leur part, n’ont pas échappé aux effets de la crise : les mesures de confinement et l’interruption de pans entiers de nos économies ont conduit à un effondrement immédiat et brutal de la fréquentation et de l’utilisation de nombreuses infrastructures dans les secteurs tels que les aéroports, les ports et les routes notamment. Cette situation accentue la problématique relative aux nouvelles modalités de financement des infrastructures en Afrique.
Les inégalités en matière d’accès aux financements risquent à nouveau de se creuser entre les pays africains riches en ressources naturelles et ceux qui en sont moins pourvus. Si l’Afrique de l’Ouest concentre 25 % des financements en infrastructures contre 8 % pour l’Afrique Centrale, cette inégalité devrait s’accentuer davantage, au regard de la forte dépendance des économies de l’Afrique centrale au pétrole et aux mines. De même, les secteurs de l’énergie et des transports qui sont les plus grands consommateurs de financements infrastructurels, soit plus de 70 %, devraient voir leur part baisser au profit des investissements dans la santé et les télécommunications. Cette tendance s’observe d’ailleurs dans les financements que nous avons structurés et accompagnés au cours des derniers mois.
En effet, la crise du coronavirus a mis en lumière de profondes inégalités sociospatiales, non seulement en termes d’accès à l’éducation et aux soins, mais aussi à l’emploi, au transport, et au logement.
Face à ce nouveau contexte, des solutions de financements alternatives et innovantes devront être développées afin de poursuivre la dynamique engagée sur le continent au cours des dernières années. Les partenariats publics privés, les obligations en infrastructures et le financement des banques commerciales locales et internationales, devraient voir leur contribution augmenter dans le financement des infrastructures.
De plus en plus d’États africains travaillent actuellement à poser dès à présent, les bases d’une stratégie de priorisation des investissements infrastructurels, afin de garantir l’accès aux services de bases au plus grand nombre. Les priorités de financement des infrastructures vont ainsi être redéfinies.
La crise mondiale inédite, suite à la Covid-19, a eu un impact indéniable et multiforme sur les projets d’infrastructures en Afrique. Les projets d’infrastructures ont été durement impactés, avec des ampleurs variées (ralentissements, retards, reports, redimensionnements, arrêts, etc.). Ces effets néfastes sur le secteur des infrastructures étaient certainement prévisibles, étant donné d’une part que la plupart des projets sur le continent sont portés par les États, et d’autre part que les ressources propres de ces derniers ainsi que leurs capacités de mobilisation de financements ont été durement affectées par la crise sanitaire. On a également assisté à des effets d’éviction, dans la mesure où des transferts de ressources ont eu lieu dans le cadre de l’opérationnalisation des stratégies de lutte contre la Covid, ce qui, du reste, est compréhensible. Enfin, il est à noter que cet impact n’a pas uniquement concerné les projets d’infrastructures : en effet, même les infrastructures en phase d’exploitation, et notamment les aéroports, les ports, les routes… ont été fortement touchés, suite aux mesures de confinement et à l’interruption de pans économiques entiers (dont le tourisme ou le transport aérien, qui en sont les exemples les plus illustratifs). L’effondrement total et brutal de la fréquentation et de l’utilisation de ces infrastructures pose certainement davantage problème en Afrique qu’ailleurs, compte tenu du fait que sur le continent, il s’agit dans une large proportion d’infrastructures récentes, dont le financement continue encore à être pris en charge par le service de la dette.
Fort heureusement, la Covid-19, comme toute crise, apporte aussi son lot de lueurs d’espoirs ou de belles perspectives. Tout d’abord, tous les secteurs de l’activité économique n’ont pas été impactés négativement, et c’est par exemple le cas du numérique qui, en Afrique, est sorti renforcé de la crise. Le numérique a en effet été d’un grand apport dans la résilience (sociale, économique, etc.) du continent face à la Covid, et dès lors, ses usages et ses utilisateurs devraient augmenter considérablement dans les années à venir. Par conséquent, le pari peut être fait que le secteur va bénéficier au cours des périodes à venir (et du point de vue notamment de ses infrastructures) d’investissements supplémentaires considérables. Plus généralement, le secteur des infrastructures en Afrique devrait pouvoir bénéficier des nouvelles opportunités consécutives à la crise, et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la crise a fini de mettre à nu en Afrique les profondes inégalités sociospatiales non seulement en termes d’accès dans les services sociaux (santé, éducation) mais aussi du point de vue des télécommunications (Internet, etc.), des transports, de l’emploi, du logement, etc. Ensuite, la Banque mondiale estime que 20 à 25 millions d’Africains pourraient tomber dans la grande pauvreté à cause de la pandémie : certes il ne s’agit pas à proprement parler d’une nouvelle réjouissante, mais la réponse des États africains devrait être dès à présent de poser les bases d’une stratégie de priorisation des investissements permettant notamment de garantir l’accès aux services de base aux populations les plus vulnérables. La BAD estime à 80 milliards d’euros le besoin annuel supplémentaire pour les projets d’infrastructures en cette période de crise. Enfin, une grande leçon à tirer de cette crise est que l’Homme doit désormais être au centre des priorités : par conséquent, les économies africaines s’orientent de plus en plus vers le financement des infrastructures dédiées à l’amélioration du bien-être et à la satisfaction des besoins essentiels.
La transition énergétique est-elle prise en compte dans les projets d’infrastructures et comment ?
L’énergie est de loin le plus gros défi infrastructurel de l’Afrique, avec environ 40 % du total des besoins de dépenses qui ont trait à l’énergie. Malgré tout, la part de la population ayant accès à l’électricité y est encore inférieure à 50 %. Une trentaine de pays africains sont ainsi régulièrement confrontés à des pénuries d’électricité et beaucoup payent un prix élevé pour une alimentation électrique de secours. Les 48 pays de l’Afrique subsaharienne (800 millions d’habitants) génèrent plus ou moins la même quantité d’électricité que l’Espagne (45 millions d’habitants). Beaucoup de petits pays ont des systèmes énergétiques nationaux inférieurs à 500 mégawatts. Alors qu’il représentait 16 % de la population mondiale, le continent africain pèse moins de 6 % de la consommation énergétique. Fort heureusement, le continent africain peut compter sur son énorme potentiel en matière d’énergies renouvelables : 325 jours d’ensoleillement intense par an, 15 % du potentiel hydroélectrique mondial, un bon potentiel éolien et géothermique. Ce potentiel explique aussi que la transition énergétique soit de plus en plus prise en compte dans les stratégies de développement des infrastructures en Afrique. Les projets d’infrastructures autour de ces énergies renouvelables produiront en Afrique au moins trois effets positifs : (i) ils contribueront à atténuer les effets du changement climatique (bien que, c’est important de le rappeler, le continent africain ne pèse que 3 % des émissions de gaz à effet de serre), (ii) ils permettront de remédier à l’importante pénurie d’énergie (et donc d’améliorer l’accès à l’énergie), (iii) ils faciliteront le passage au post-Covid, en contribuant à rebâtir en Afrique des économies plus solides, plus résilientes, plus égalitaires. Dans les pays africains, les projets d’infrastructures dédiés à la transition énergétique commencent à se multiplier. Au Maroc, il était prévu de porter à 42 %, au plus tard en 2020, la part des énergies renouvelables dans le bouquet électrique. Dans d’autres pays, tels que le Sénégal, le Ghana, ou l’Afrique du Sud, des infrastructures permettant de produire des énergies renouvelables (centrales solaires photovoltaïques, thermiques ou thermodynamiques) ont été financées, le plus souvent sur le modèle de partenariat public-privé.
Les banques, en tant qu’acteurs clés du financement, ont évidemment un rôle clef à jouer dans la transition énergétique. Chez BGFIBank, parce que nous sommes conscients de notre responsabilité sociale, mais également convaincus du caractère irréversible de la transition énergétique et des opportunités économiques qui découleraient, nous avons déjà entamé l’adaptation de nos politiques d’allocation des ressources ainsi que de nos instruments de financement. Notre prochain plan stratégique, dont j’ai tantôt parlé, visera également à accélérer notre adaptation à la transition énergétique. Cela exigera, entre autres, une expression plus forte de notre responsabilité sociétale ainsi que de notre volonté de contribuer à la préservation de l’environnement. Il s’agit pour nous de garantir une meilleure prise en compte des intérêts de toutes les parties prenantes (y compris les populations potentiellement impactées par la réalisation des infrastructures), une place accrue des considérations environnementale ou de l’adaptation au changement climatique dans nos critères d’analyse et d’évaluation des projets.
Quelle est votre analyse de l’évolution du financement des infrastructures en Afrique ? Comment répondre aux besoins ? Faut-il mobiliser davantage le secteur privé et comment ?
De mon point de vue, les investissements dans les infrastructures resteront pour longtemps encore en Afrique un levier majeur de la croissance et du développement. Trois éléments me paraissent néanmoins essentiels : un financement adéquat, d’excellentes capacités institutionnelles et une bonne attention portée par l’État sur les besoins des citoyens ou des utilisateurs actuels et futurs des infrastructures. Je suis également convaincu que la qualité des infrastructures constitue en Afrique un enjeu fondamental, compte tenu non seulement du déficit infrastructurel ou du des ressources limitées, mais aussi du fait que 40 % des infrastructures en Afrique sont gaspillées. Une infrastructure de qualité doit répondre à cinq critères : (i) l’efficacité économique, (ii) la résilience face aux catastrophes naturelles, (iii) la sécurité, (iv) la durabilité environnementale et sociale, et (v) la contribution à la société et à l’économie. Il est fondamental que les pays africains, d’une part privilégient une approche plus sélective dans le choix et le financement des infrastructures qu’ils réalisent (prioritaires, durables et axées sur le long terme) ; et d’autre part alignent leurs investissements dans ces infrastructures sur les stratégies nationales de développement économique à long terme.
Comme je l’ai tantôt rappelé, aujourd’hui jusqu’à deux tiers du financement des infrastructures (environ 30 milliards de dollars) proviennent de sources nationales, et donc du contribuable africain. Cela signifie que ces derniers participent considérablement au financement des infrastructures. Par conséquent, les ressources complémentaires devront être mobilisées auprès d’autres catégories d’acteurs, parmi lesquels le secteur privé. À ce jour, les capitaux privés ont joué un rôle très limité dans le financement des infrastructures en Afrique. En 2017, les flux privés s’élevaient à 2,6 milliards de dollars, soit seulement 4 % de l’investissement total dans les infrastructures sur le continent. Les investissements dans des projets d’infrastructures publiques à participation privée sont également restés limités.
Pour répondre au défi du financement des infrastructures, une plus grande participation du secteur privé est tout simplement indispensable. Cela nécessitera à la fois une multiplication des espaces de consultations et d’échanges entre le secteur privé et les pouvoirs publics, mais aussi l’amélioration des cadres réglementaires et un environnement plus favorables aux investisseurs privés et institutionnels. Il existe toutefois un préalable : favoriser l’émergence d’un secteur privé fort, impliqué dans les projets nationaux.