Un gendarme a été tué dans le cadre d’une mission de maintien de l’ordre ce 19 février. Moins d’une semaine auparavant, deux jeunes gens ont été également fauchés par des balles meurtrières depuis la reprise de la grève dans le secteur de l’éducation le 12 février. Dès le lendemain de la tenue des élections communales le 04 février et suite à l’appel à manifester de certains responsables politiques, des rixes ont éclaté dans des localités de l’intérieur du pays et à Conakry. Cinq personnes ont péri carbonisées dans les flammes de leurs cases incendiées par des éléments du camp adverse dans la sous-préfecture de Kalinko à Dinguiraye. Le comble de l’horreur avait été atteint là, car la majorité des victimes étaient de petits enfants.
Ces faits tragiques sont devenus presque une banalité qui n’émeuvent que quelques rares âmes sensibles. Chaque manifestation de rue est une occasion d’enregistrer des morts sans que la lumière ne soit faite sur les responsables de ces tueries. Dés fois les forces de l’ordre sont incriminées et d’autres fois les auteurs des tirs demeurent mystérieux. Dans tous les cas, ce sont de simples citoyens qui sont arrachés à la vie et à l’amour de leurs proches. Devant tant de drames, la société guinéenne anesthésiée demeure passive et impuissante. Les autorités morales ne lèvent guère le pouce pour exiger l’arrêt immédiat de cette vague de tueries. Est-ce par lâcheté ou par simple calcul politique ?
Les habitants de la Route des Princes pris en otages
L’axe routier Hamdallaye- Cimenterie dans la commune de Ratoma est le principal lieu d’affrontements entre forces de l’ordre et « manifestants » avec sa cohorte de morts et de deuils. Cette dorsale de Conakry est devenue le champ clos d’un mercenariat de jeteurs de pierres alimentée par des responsables politiques qui, pour obtenir des privilèges usent de cette stratégie pour créer une nuisance afin d’exiger « rançon et impunité ». C’est devenu un véritable business pour des intérêts en apparence opposés et qui en réalités s’enrichissent mutuellement. La petite délinquance, instrumentalisée et opportuniste en profite pour détrousser et harceler les passants, caillasser des véhicules et ériger des barrages pour quelques miettes que leur donne les commanditaires des manifestations. Les acteurs de cette télé réalité sont des adolescents à peine pubères jouant aux « cow-boys –indiens » avec les forces de l’ordre. Tout ceci à quelle fin ? Ces six dernières années, le « Chef de file de l’opposition » a usé et abusé de cette stratégie pour obtenir du pouvoir exécutif privilèges et impunité au détriment des textes consacrés par les lois de la République. Plusieurs dizaines de gamins tombés au cours de ces manifestations sont enterrés dans un carré du cimetière de Bambéto qu’’il s’est réservé pour « ses martyrs ». L’axe Hamdallaye-Cimenterie a été ainsi diabolisé. C’est la « ligne rouge » qu’il faut éviter d’après des consignes de sécurité que certaines chancelleries prodiguent à leurs ressortissants. Les immeubles des riverains de cet axe routier demeurent inoccupés et les chauves-souris s’y abritent ne craignant nullement d’être dérangés. C’est un lourd tribut que les habitants de cet important axe payent pour un gain politique hypothétique.
Comment comprendre et expliquer l’absence de réactions des autorités judiciaires et politiques lorsque des « sections cailloux » sont créées et des appels au meurtre sont vociférés dans des assemblées générales d’un parti politique ? Auraient-elles démissionné devant leurs missions régaliennes ? Le gendarme a été tué par un jet de pierre. La responsabilité de cette mort est aussi imputable à la passivité de ceux sensés « faire respecter l’ordre public et réprimer les incitations à la haine et à la violence ». Le Ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation, chargé de la tutelle administrative des partis politiques a été alerté en son temps. Jusqu’à présent nous attendons une réponse qui tarde à venir. Les fossoyeurs de la République sont de tous les côtés, par conséquent la société guinéenne doit prendre conscience des risques et des menaces qui s’amoncellent au-dessus de nos têtes.
Les citoyens doivent prendre leur responsabilité
Les temps ont changé. Les mobilisations politiques des années 1990 à 2010 n’ont rien à voir avec ce que nous vivons actuellement. Les sacrifices consentis pour la démocratisation du pays et pour le changement politique en Guinée, ont été incalculables au regard des vies perdues. La route des Princes ou l’axe de la démocratie ou le tronçon Hamdallaye –Cimenterie a été le théâtre de combats héroïques pour l’avènement de jours meilleurs pour l’ensemble des guinéens. Ce fut le cas le 22 janvier 2007 et aussi le 28 septembre 2009. Aujourd’hui l’esprit qui avait présidé à ces nobles combats démocratiques est dévoyé pour ne servir que des intérêts mesquins qui ruinent l’effort national et qui mettent en péril la stabilité de notre pays et la cohésion nationale. Les citoyens doivent réagir pour stopper cette dérive meurtrière. C’est une question de responsabilité, de courage et d’honnêteté. L’axe Hamdallaye –Cimenterie doit désormais mériter son nom de « route des Princes ». C’est la responsabilité de ceux qui y habitent de refuser que leurs quartiers soient transformés en zone d’affrontements incessants qui détruisent leurs économies et qui mettent en péril la vie d’innocentes victimes. Devant l’impunité érigée en règle, la responsabilité citoyenne doit être audible, déterminée et ferme pour dire « halte » aux commanditaires de ces actes irresponsables et assassins.
Un sursaut national est impératif
Des pays comme le Mali et la RCA ont sombré parce que leurs leaders n’ont pas agi à temps pour sauver leur pays du chaos. Préservons notre pays, la Guinée, d’un tel funeste destin en bannissant la violence. Pour cela, il est de la responsabilité régalienne de l’Etat d’assurer la sécurité de tous. Faillir à cette mission par complaisance ou par complicité passive, c’est un renoncent coupable qui à terme détruira la paix et la sécurité sous -régionale. Il est urgent de réagir pour stopper la culture de la violence.
Bah Oury
Vice-président de l’UFDG
Ancien ministre de la Réconciliation nationale