Le préfet de Mali, El hadj Harouna Souaré et le gouverneur de la Région Administrative (RA) de Labé, Sadou Keïta, ont apporté des témoignages accablants contre le lieutenant-colonel Issa Camara et ses coaccusés devant le Tribunal Militaire à Formation Spéciale (TMFS) de Labé, rapporte le correspondant régional de l’AGP.
Les audiences criminelles du TMFS de Labé se poursuivent avec la comparution des témoins qui se succèdent à la barre, pour donner leurs versions des faits sur les violences enregistrées dans la Commune Urbaine (CU) de Mali les 17, 18 et 19 juin 2016.
Ainsi, après le préfet de Mali, El hadj Harouna Souaré, qui a comparu, samedi, 19 janvier 2018, le gouverneur de la RA, Sadou Keïta était, dans la matinée du lundi, 22 janvier 2018, devant le ce Tribunal de Labé. Ces deux autorités civiles ont, tour à tour, apporté des témoignages accablants contre le colonel Issa Camara et ses coaccusés.
El hadj Harouna Souaré et Sadou Keïta ont tous déclaré à la barre, avoir vécu des moments difficiles dans la CU de Mali. Qu’ils ont vu le lieutenant-colonel Issa Camara et des hommes en uniforme, placés sous son autorité et relevant du Bataillon d’Infanterie de ladite ville, se rebeller contre l’autorité civile, désobéir à leur hiérarchie incarnée par le commandant de la 2ème Région Militaire et piller systématiquement les paisibles citoyens de la cité du Loura.
«C’est au moment où nous étions avec les citoyens et les responsables de la Société civile au carrefour ‘’Australie’’, que nous avons vu des militaires sortir du camp tirant dans tous les sens. C’est le garde du corps du gouverneur, Sergent Bafodé Camara dit Commando, qui nous a poussés dans la concession d’un Imam de la ville, située au bord de la route pour nous mettre à l’abri.
On avait honte de cette population qui fondait un espoir en nous autorités civiles pour avoir la paix et la sécurité. On ne pouvait pas regarder en face l’Imam qui nous a reçu dans sa concession, parce qu’il savait que nous aussi étions en train de fuir», a expliqué le préfet de Mali, El hadj Harouna Souaré.
Le colonel Ibrahima Khalil Condé, alors commandant de la 2ème Région Militaire de Labé, actuellement en poste dans les mêmes fonctions à Kindia, n’avait pas pu arrêter cette colère de la troupe.
«J’ai instruit le commandant de la 2ème Région Militaire de faire arrêter les tirs. J’ai vu le colonel demander aux soldats d’arrêter et d’attendre dans le camp. J’ai entendu les soldats dire qu’ils refusent», a ajouté le gouverneur de Labé.
Poursuivant son intervention, le gouverneur Sadou Keïta a expliqué au TMFS, que pendant ces 03 jours de violences, le commandement militaire qui était à la tête du Bataillon d’Infanterie de Mali n’a obéi ni à l’autorité civile qu’il constituait avec le préfet de Mali, ni à sa hiérarchie de la 2ème Région Militaire de Labé.
En appui à ses déclarations, le gouverneur de Labé a cité plusieurs exemples, dont le plus éloquents est celui de dire, que malgré sa présence à Mali, le pillage des kiosques a continué au marché. Que c’est lorsqu’il a réalisé que le colonel Issa Camara et sa troupe ont placé la ville de Mali dans un contexte d’Etat de siège, qu’il a rendu compte à son ministre de tutelle.
«J’ai dit à mon ministre que je ne peux plus gérer cette situation. Qu’on était en train de vivre une rébellion de la part des hommes en uniformes. J’ai demandé alors la conduite à tenir. Quelques 20 minutes après, le ministre m’a rappelé pour me demander de faire arrêter celui qui a été le premier à porter la main sur le jeune chauffeur et de rentrer avec le colonel Issa Camara à Labé».
Ce lundi matin, au moment où le gouverneur Sadou Keïta était à la disposition du Tribunal Militaire pour des questions d’éclaircissement, les avocats de la défense ont quitté la salle d’audience suite à des manquements dénoncés ici par Me Lanciné Sylla.
«A chaque fois que nous prenons la parole, nous sommes hués par le public, alors qu’un débat de ce genre ne peut pas se tenir sans la sérénité requise. Cela relève de la responsabilité du président du Tribunal, d’exercer la police et la direction des débats. Il laisse le public nous huer. Rien ne sert désormais à rester dans la salle d’audience», a indiqué la défense.
Cet incident malheureux, qui a perturbé l’audience du lundi matin, est banalisé par les avocats de la partie civile.
«Cela ne nécessite pas la colère des avocats de la défense. Nous sommes tous les jours devant les Tribunaux ici à l’intérieur ou à Conakry. Lorsqu’il y a certains propos, il arrive des fois que certains citoyens, dans le public, arrivent à réagir d’une certaine manière. Mais, par la suite, le président audiencier qui les ramène à l’ordre. Il leur demande de se taire», a réagi Me Thierno Souleymane Baldé, avocat à la Cour.
Il a fallu des démarches diplomatiques des avocats de la partie civile auprès de leurs homologues de la défense, pour que l’audience du jour reprenne après une suspension de plus de 45 minutes. Tous les acteurs concernés étaient revenus à des meilleurs sentiments.