La conquête ou la conservation du pouvoir par les élections en Guinée pose questions et nécessite la qualification continue du processus électoral.
L’avènement du multipartisme et son corollaire l’alternance démocratique engendrent, parfois malheureusement, dans bien de pays Africains, des crises violentes troublant profondément et cycliquement la vie publique.
Pour prévenir ces crises ou en sortir, les acteurs politiques recourent à des accords ou arrangements politiques comportant fréquemment des clauses de droit posant le problème de leur relation et leur valeur juridique avec la Constitution. Ces accords politiques qui surgissent confèrent, souvent, une certaine primauté aux règles qu’ils édictent par rapport à la Constitution dans le souci et but de résorber promptement la crise entre le pouvoir et l’opposition.
Malgré la conclusion et la mise en œuvre de ces accords, au lendemain de chaque élection, l’opposition dans beaucoup de pays, est toujours apte et prompte, à tort ou à raison de contester les résultats. Face à ces situations, quelques constats, questionnements, pistes et voies d’amélioration :
1-Les Guinéens ont besoin d’élections, pour le choix de leurs dirigeants, mais d’élections transparentes et apaisées porteurs de lendemains de quiétude et de développement pour leur pays. il est vital et judicieux de veiller et éviter, par un appel à la responsabilité de toute la classe politique, que l’élection ne soit un poison pour la quiétude et la stabilité sociale car, les guinéens n’ont pas besoin d’élections engendrant d’insupportables et inacceptables pertes en vies humaines, des blessés et de destruction de biens matériels.
2’Les élections coûtant chères, coupler les élections nationales et locales comme l’a fait récemment, avec succès, la Sierra Léone : A titre illustratif et indicatif, voici les budgets électoraux de la Guinée de ces dernières années : présidentielle 2010 : 210 milliards de Francs Guinéens (FG) ; législatives 2013 : 519 milliards ; présidentielle 2015 : 338 milliards ; locales 2018 : 357 milliards soit, environ, 26.158.940 US$. Après de tels investissements qui auraient pu servir dans d’autres secteurs prégnants de développement, c’est une solution adéquate pour amoindrir le coût des élections, réduire les périodes des tensions politiques et sociales inhérentes aux campagnes électorales.
- Oui à des dialogues et négociations basés sur la règlementation privilégiant la prévention à la place de la gestion de crise qui améliorent, qualifient et renforcent les textes de lois existants et leur mise en œuvre et non à des arrangements circonstanciels pour le règlement de cas factuels. Les élections communales de 2018 ont montré une énorme fragilité dû aux difficultés de capacité et/ou d’indépendance de la justice de traiter les contentieux électoraux : dans certains cas, procéder à des arrangements et ententes à la place des résultats sortis des urnes. La création et le fonctionnement, dans ce sens, de comités de suivi ou commission d’évaluation du processus électoral doivent clairement répondre et solutionner la préoccupation : les accords politiques sont des outils de renforcement et de consolidation de la démocratie et non des dangers pour la stabilité constitutionnelle, des moyens de contournement et d’affaiblissement des lois de la République.
- Qui sont les parties prenantes au dialogue ? Dans certains pays africains, l’opposition ne veut parler et négocier qu’avec le Chef de l’Etat qui sort ainsi de son rôle de dernier recours pour assurer et rassurer au noble motif de la préservation de la paix dans le pays. Pourtant, tout le monde a, à gagner de dialogues directs et concluants entre opposition, parti au pouvoir et gouvernement. La mise à l’œuvre et à l’épreuve de ces autres parties prenantes en charge du dialogue politique et social permet d’évaluer ainsi leurs résultats obtenus dans l’exercice de leurs tâches, fonctions, leaderships techniques et d’actions.
- Le statut et les capacités de l’administration électorale : qu’elle soit indépendante ou sous tutelle gouvernementale, comme au Sénégal, que la classe politique dans son ensemble et sa diversité convienne et agisse pour la mise en place d’une administration électorale compétente, performante, impartiale et qui inspire ainsi confiance à tous.
- En Guinée, le recensement biométrique de la population est une activité holistique prioritaire, utile et profitable à la fois et chaque fois que de besoin à l’état civil, à l’établissement des cartes d’identité, de passeports et à la liste électorale qui trouvera ainsi la base solide de sa révision.
- En Guinée, élections locales ou élections de proximité et à la base? La Guinée vient de réaliser l’élection des conseils communaux. Dans la pratique, le citoyen a plus besoin, d’abord, du chef de son secteur et du président de son district ou de quartier qui sont ses premiers recours et secours devant l’administration que d’un maire urbain ou rural, ensuite, éloigné et distant de lui. C’est pourquoi, au lieu d’élections locales, ne faut-il pas envisager, à l’avenir, des modalités pour les élections de proximité et à la base où le citoyen choisit en toute connaissance ceux qui sont chargés de le diriger au premier chef ? Partant, les élus de quartier pourraient élire, sans frais substantiels, après les Conseils Communaux et Maires.
- L’étude de l’amélioration ou de la mise à jour, pour des commodités de réalisme de l’article 3 de la Constitution et de l’Article 109 du Code électoral par l’ouverture totale des candidatures aux indépendants à toutes les élections nationales (présidentielle et législatives) et locales (communales et quartiers ou districts). Les partis politiques sont estimés, aujourd’hui en Guinée, au nombre de 162 avec quels visions et programmes de sociétés. Combien remplissent les précieuses et strictes conditions de création et de fonctionnement fixées par la Constitution ? Combien échappent aux critiques fondées ou infondées d’ethnicité ? La « transhumance » politique révèle-t-elle des lignes de démarcation nette de visions et de programmes de sociétés ou bien des difficultés « d’égo » de tous ordres entre les leaders politiques ?
Mamadou Taran Dillo
Président de l’AGT (Association Guinéenne pour la Transparence)