Longtemps réclamées par l’opposition à coups de manifestations publiques parfois violentes et maintes fois reportées pour des raisons fort discutables, les élections municipales ont enfin eu lieu en Guinée. C’était hier, 4 février 2018. Enfin, peut-on s’exclamer ! Et pour plagier et taquiner Samuel Becket, l’on peut dire que Godot est enfin arrivé après toutes ces péripéties qui ont duré 13 longues années.
En effet, les dernières élections municipales se sont tenues en 2005. C’était sous le régime de feu Lansana Conté. A l’époque, le parti au pouvoir, le PUP (Parti de l’unité et du progrès), avait raflé près de 80% des suffrages, laissant à l’opposition la portion congrue. L’on se rappelle que les résultats avaient été fortement contestés par l’opposition de l’époque, conduite alors par l’actuel président, Alpha Condé. Cela dit, près de six millions d’électeurs ont été appelés aux urnes hier, pour départager près de 30 000 candidats en lice.
Alpha Condé n’a plus d’arguments pour continuer à renvoyer aux calendes guinéennes, des élections qui auraient dû se tenir depuis 2010
L’on peut, d’entrée de jeu, se réjouir que les municipales longtemps attendues, aient enfin pu se tenir. L’on peut d’autant plus s’en féliciter que la démocratie guinéenne péchait, par ces reports à n’en pas finir de ces élections municipales au point que cela apparaissait comme un véritable boulet à ses pieds. Et en vérité, cela sonnait comme une construction institutionnelle et démocratique inachevée ou du moins comme un édifice dont les murs et le toit ont été réalisés sans qu’on ait posé la fondation. Cette image est d’autant plus pertinente que les élections municipales dans une démocratie digne de ce nom, représentent la base de la pyramide démocratique.
Elles sont, en effet, des élections de proximité qui permettent aux populations de choisir les hommes et les femmes capables de répondre favorablement à leurs besoins les plus élémentaires : assainissement, sécurité, développement local. Et dans le cas de la Guinée, les municipales revêtent davantage d’intérêt que ce sont les conseillers municipaux qui ont la prérogative de désigner les chefs de quartiers ainsi que les chefs de districts. Et il est de notoriété publique qu’en Afrique de façon générale, ce genre de personnalités ne comptent pas pour du beurre dans le choix du grand Sachem, c’est-à-dire, le président de la République.
En somme, et pour oser la comparaison avec le système électoral américain, l’on peut les assimiler à de « grands électeurs ». Dès lors, l’on comprend pourquoi l’opposition a fait de ces élections, par la voie du suffrage universel et dans les meilleurs délais, son cheval de bataille. L’on peut comprendre aussi pourquoi Alpha condé, pour s’assurer de leur loyauté, a mis un point d’honneur à ces nommer, malgré la colère maintes fois exprimée de l’opposition. La grande question que l’on peut se poser à propos de ces élections dont les enjeux sont multiples, est de savoir pourquoi elles se tiennent maintenant. L’on peut avancer, en guise de tentatives de réponses, les hypothèses suivantes.
La première tentative d’explication pourrait être liée à ceci : Alpha Condé, en bon calculateur politique, pourrait croire que les rapports de forces lui sont en ce moment favorables. Il a, en effet, aujourd’hui, quelques réalisations à son actif, qu’il peut brandir à ses détracteurs pour leur signifier que la Guinée d’aujourd’hui est meilleure à la Guinée de Sékou Touré et à celle de Lansana Conté et du fantasque Moussa Dadis Camara. Ce qui n’est pas faux, même s’il convient de nuancer et de relativiser les performances des mandats de l’actuel président. La deuxième hypothèse pourrait être liée au fait que le pouvoir du Pr Alpha Condé n’a plus d’arguments pour continuer à renvoyer aux calendes guinéennes, des élections qui auraient dû se tenir depuis 2010.
Les guinéens sont attendus sur le terrain de l’élégance et du fair-play électoral
De ce fait, l’on peut considérer que la tenue enfin des municipales, est le signe d’un pouvoir qui ne dispose plus de matière pour ruser indéfiniment avec les guinéens. A cela, l’on peut ajouter la pression permanente et forte de l’opposition dont la détermination à contraindre le pouvoir à organiser le scrutin n’a jamais failli. La troisième et dernière tentative d’explication pourrait être liée à des raisons exogènes. En effet, il est connu que les partenaires techniques et financiers rechignent à injecter le moindre kopeck dans les collectivités territoriales, tant que ces entités