Le camp Boiro, qui se trouvait au quartier Camayenne à un kilomètre de Coronthie, ne représentait pas seulement un lieu de privation de liberté, de torture, de diète noire mais surtout de torture mentale et lavage et de formatage de cerveau qui obligeait des intellectuels à raisonner à l’envers et à dire des contre-vérités en reconnaissant par exemple des faits qu’ils n’ont jamais commis et en se fondant en excuse publique pour sauver leur vie ou accélérer par la mort leur souffrance.
Cette pratique avait construit sur plusieurs décennies chez le guinéen la peur, la démagogie et l’esprit du culte de la personnalité de tel sorte que certains guinéens pensaient qu’il n’était pas bon de dire la vérité en Guinée et que les murs avaient des oreilles et que Sékou Touré était immortel et ses proches et clans étaient nos chefs éternels et que les autres guinéens et leurs progénitures étaient des sous hommes.
Cette perception avait même poussé des opérateurs économiques et des fonctionnaires de la Guinée Forestière et d’ailleurs a même changé de nom de famille pour avoir un nom de famille plus acceptable par le régime du camp Boiro. Cette pratique de la menace du camp Boiro avait fait disparaitre chez le guinéen l’esprit critique qui permet l’innovation et le progrès économique et intellectuel des nations.
A cause de ces pratiques, l’intellectuel guinéen, dominé désormais par la peur de la prison a cessé de jouer son rôle d’éveilleur des consciences pour devenir durablement démagogues, menteurs et courtisans du pouvoir comme des griots. Chaque intellectuel, de retour de la prison ou de l’exil ou de peur d’aller en prison, a pris sa distance avec la politique pour laisser le champ libre aux analphabètes et cadres moyens violents et démagogues prêts à tout pour flatter la gloire du chef suprême et faire ses éloges même si celui-ci n’a pas raison et c’est de là que les guinéens ont appris à faire des faux rapports, des éditoriaux et tribunes pour magnifier le chef et biaiser les informations et statistiques nationales jusqu’à ce que la superficie agricole cultivée de la Guinée dépassait la superficie du pays.
Il a fallu la fermeture de cette prison le 3 avril 1984 pour que le guinéen puisse comprendre qu’un autre monde de la liberté d’expression, de pensée, d’entreprise, d’association et de justice pour tous existe et que Sékou Touré et ses hommes n’étaient que de vulgaires mortels comme le pauvre forgeron ou paysan de mon village et que ce n’était pas la peine de changer de culture et de nom de famille pour devenir Touré, Keita ou Condé ou Kaba ou Traoré ou Camara etc…ou inventer des liens imaginaires avec le clan du chef suprême.
Pour l’histoire, avons-nous besoin de fermer la maison centrale de Coronthie à l’image du camp Boiro ? Je réponds par l’affirmative et je pense même que c’est une urgence pour limiter les dégâts sur l’aliénation de la nouvelle génération qui doit répondre présent face aux autres nations démocratiques du monde.
En effet, en faisant de la prison de Coronthie un nouveau camp Boiro pour y torturer mentalement des intellectuels libres d’esprit que le Général Lansana Conté a éduqués et élevés dans le libéralisme et à qui la transition de 2010 a vendu la promesse de ‘’l’intangibilité de l’alternance’’ à la tête de la nation, Alpha Condé et les fils et petits-fils des proches de Sékou Touré qui nous dirigent aujourd’hui par la force, nous ramènent effectivement là où Sékou Touré nous a laissés dans le formatage des esprits vers le mensonge collectif au sein de laquelle dire la vérité est un péché et ou se contenter de son salaire de fonctionnaire une malédiction sociétale.
Collectivement, nous devons condamner Alpha Condé et l’exiger plutôt des excuses pour le fait que sa gouvernance et de son acte personnel de vouloir un troisième mandat a fait endeuiller des centaines de familles sans compassion, violer nos lois, emprisonner des innocents, retarder économiquement notre pays et ternir l’image de la nation.
La situation est certes dure pour chacun de nous, pour chaque prisonnier, pour chaque victime, mais n’abandonnons pas nos valeurs et notre mission de changer positivement la Guinée en faisant de la vérité, de notre Alliance nationale pour l’alternance et de la démocratie une réalité au lieu d’enseigner à nos enfants l’idée tordue que la prison de Coronthie est une école ou une université. Les écoles et les universités ont des programmes et des enseignants qui forment des élèves et des étudiants pour le monde de manière universelle, la prison de Coronthie n’a que des tortionnaires.
Kéamou Bogola Haba
Secrétaire Exécutif de l’UNAD
Membre de l’ANAD