Kagamé à Conakry : l’IA, nouveau champ de bataille africain

CONAKRY. – La voix était calme, le propos délibéré. Face à un parterre de dirigeants et d'innovateurs réunis à Conakry pour…

Journal de Conakry

CONAKRY. – La voix était calme, le propos délibéré. Face à un parterre de dirigeants et d’innovateurs réunis à Conakry pour le Transform Africa Summit, Paul Kagamé a déroulé la généalogie d’une ambition continentale. Ce mercredi 12 novembre, le président rwandais, devenu l’architecte en chef de la révolution numérique africaine, a transformé la tribune guinéenne en chaire de prospective. Son message : l’Afrique ne peut plus se contenter de suivre le rythme effréné de l’innovation technologique ; elle doit l’anticiper, l’épouser, la modeler à son image.

« Il y a une décennie, le Transform Africa Summit naissait à Kigali. » La phrase, simple, résonne comme un acte fondateur. Kagamé, en témoin et artisan de cette épopée, dresse le bilan d’une Alliance Smart Africa passée de quelques visionnaires à 42 pays membres. Mais derrière ce succès quantitatif, l’homme d’État perçoit une urgence qualitative. Le monde, souligne-t-il, est devenu « plus complexe et plus interconnecté », l’évolution technographique désormais « sans précédent ».

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5 % de PIB en jeu

Au cœur de cette mutation, l’intelligence artificielle s’impose comme le nouveau nerf de la guerre économique. Le chiffre est lancé, précis et lourd de promesses : 5 % de PIB continental supplémentaire. Une manche que l’Afrique pourrait saisir, à condition de faire les bons choix. « Le succès dépend non seulement de la rapidité avec laquelle nous déployons cet outil, mais aussi des domaines d’application que nous choisissons », insiste-t-il, visant en priorité la santé, l’éducation et l’agriculture. Loin des fantasmes dystopiques, Kagamé prône une IA utilitaire, ancrée dans les réalités locales.

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Le Rwanda montre la voie. Le pays a entrepris d’élaborer sa propre politique nationale en la matière, un cadre destiné à orienter une croissance jusqu’ici souvent subie. Car le défi, reconnaît le président, n’est pas seulement technologique. Il est structurel : « Le déficit d’investissement dans les infrastructures numériques, les compétences et le cadre réglementaire demeure. » La réponse devra être collective, mêlant étroitement secteurs public et privé, exigeant une utilisation « plus créative et plus stratégique » des ressources.

Dépasser la peur de l’inconnu

Face aux craintes légitimes – emploi, vie privée, sécurité – Kagamé oppose un pragmatisme tranquille. « Certaines préoccupations sont légitimes ; d’autres relèvent de la crainte de l’inconnu. » Pour lui, cette « nouvelle réalité » est désormais incontournable. L’Afrique n’a d’autre choix que d’apprendre à vivre avec, comme elle a su, par le passé, absorber d’autres vagues de progrès. « Rappelons-nous que la science et la technologie sont des moteurs puissants de créativité et de performance, et non des menaces pour l’humanité. »

Son allocution se clôt sur un appel à l’action, une exhortation à « saisir pleinement les opportunités de notre époque ». Dans la salle, le message est reçu. Paul Kagamé n’est pas seulement venu partager une vision ; il a planté à Conakry le drapeau d’une souveraineté technologique en construction. L’Afrique, semble-t-il dire, a les moyens d’écrire elle-même les codes de son avenir numérique. Reste à présent à passer de la parole aux actes.

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