Les propos tenus par l’ambassadeur de la Russie à l’occasion des vœux du nouvel an du corps diplomatique continue à alimenter le débat.
Ces propos sont diversement appréciés, selon que l’on soit de la mouvance présidentielle, de l’opposition ou de la société civile guinéenne. Les premiers se félicitent. Ils applaudissent la Russie et son ambassadeur. Les seconds protestent et condamnent ces propos qu’ils jugent non seulement démagogiques mais aussi d’une ingérence dans les affaires intérieures de la Guinée. D’autres parlent même de violation de la constitution voire la souveraineté nationale. Ce n’est pas la première fois qu’un homme parle de la modification de la constitution. C’est en revanche la toute première fois qu’une personnalité aussi importante qu’un diplomate le fait. D’où la polémique. Désormais cette question n’est plus un sujet tabou. La volonté existe. Les soutiens aussi. De l’intérieur comme de l’extérieur. Mais ce projet n’a pas que de supporteurs. Il a aussi ses adversaires. Là aussi de l’intérieur comme de l’extérieur. Notamment ceux qui ne parlent pas de la voix que la Russie. Comme le trio France, Etats-Unis et Allemagne.
La position russe exprimée devant les caméras de télévisions sera aux antipodes de celle des trois payés cités plus haut. Dès lors, faut-il s’attendre à ce que la Guinée soit un nouveau foyer de la guerre froide ? C’est probable voire sûr. En cause les immenses richesses minières du pays. Depuis son arrivée au pouvoir Alpha Condé a procédé à un certain équilibrisme dans la réparation des mines de Guinée. A Boké par exemple, la CBG partage désormais l’exploitation de la bauxite avec les Arabes, les Russes et les Chinois. A Conakry, la gestion du port est partagée entre les Français et les Turcs. Cet équilibrisme économique est aussi un calcul politique. L’actuel président ne faisant rien au hasard. Il espère que les Occidentaux, plus enclins à exiger la démocratie et l’Etat de droit, vont fermer les yeux à cause justement de leurs intérêts économiques. Quant aux Russes, Chinois et Turcs la démocratie est le cadet de leurs soucis.
Le ton étant donné par une personnalité étrangère et non des moindres, il faut s’attendre à deux hypothèses dans les mois qui viennent : le pouvoir sort de son silence pour dire tout haut ce que les militants et autres cadres de l’administration murmurent tout bas depuis longtemps. Il tente de modifier la constitution comme au Burkina Faso ou au Burundi. Ou il joue à la prolongation comme Kabila l’avait fait en RDC. Après les propos de l’ambassadeur russe, les militants du parti au pouvoir espèrent avoir trouvé une grande puissance pour les aider à faire sauter le verrou constitutionnel. Ceux de l’opposition et la société civile en appellent aux Occidentaux. Si les grandes puissances devaient répondre favorablement à l’attente des uns et des autres, la Guinée deviendrait un nouveau foyer de la guerre froide.
Mais les uns et les autres se trompent. La modification de la constitution ne dépendra ni de la Russie ou de la Chine qui donnent du fil à retordre aux Occidentaux au Conseil de sécurité des Nations Unies par rapport à d’autres pays du monde. Le respect de cette constitution ne dépendra pas non plus des Occidentaux. Sa violation ou son respect dépendra uniquement du peuple de Guinée. Lequel peuple choisira entre l’exemple burundais où Pierre N’Kuruziza a réussi à se maintenir et celui du Burkina Faso où la détermination du peuple a eu raison de Blaise Compaoré.