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En Afrique du Sud, un projet de budget acrobatique sur fond de crise

Le ministre sud-africain des Finances Tito Mboweni dévoile mercredi après-midi devant le Parlement du Cap (sud-ouest) un projet de budget annuel aux allures de quadrature du cercle dans une économie au bord du précipice financier.

Croissance molle, dĂ©tĂ©rioration des finances publiques, chĂ´mage de masse (30%) et, plus rĂ©cemment, pannes d’Ă©lectricitĂ© Ă  rĂ©pĂ©tition, la liste des plaies qui affectent le pays le plus industrialisĂ© du continent est longue.

Le président Cyril Ramaphosa a lui-même reconnu sans détour la gravité de la situation la semaine dernière.

La dette publique « atteint des niveaux insoutenables » et « l’Ă©conomie n’a pas renouĂ© avec une croissance significative depuis une dĂ©cennie », a-t-il dĂ©plorĂ© devant les parlementaires lors de son discours annuel sur l’Ă©tat de la Nation.

Deux ans après le dĂ©part anticipĂ© de son prĂ©dĂ©cesseur Jacob Zuma pour cause de scandales de corruption Ă  rĂ©pĂ©tition, le bilan dressĂ© par M. Ramaphosa sonne comme un constat d’Ă©chec.

En prenant les rĂŞnes du pays en fĂ©vrier 2018, l’ex-syndicaliste des heures sombres de l’apartheid reconverti en capitaine d’industrie s’Ă©tait pourtant fait fort de relancer le pays en y faisant revenir les investisseurs Ă©trangers.

Sans succès jusque-lĂ . Le produit national brut (PNB) sud-africain n’a pas dĂ©passĂ© 1,3% ces cinq dernières annĂ©es et devrait pĂ©niblement s’Ă©tablir Ă  0,5% en 2019.

« Le gouvernement reste incapable d’imposer politiquement les rĂ©formes drastiques qu’il a promises », note Darias Jonker, du centre d’analyse Eurasia Group. Il s’est montrĂ© « incapable de rĂ©duire les dĂ©ficits », renchĂ©rit l’Ă©conomiste en chef de l’Old Mutual Investment Group, Johann Els.

Dans ce climat, le discours de Tito Mboweni à partir de 12h00 GMT sera observé à la loupe.

« C’est maintenant ou jamais », juge M. Els.

– DĂ©gradation annoncĂ©e –

Avec une dette publique proche de 60% du PNB, sa marge de manoeuvre s’annonce des plus limitĂ©es.

Le ministre des Finances se sait en outre sous la menace d’une dĂ©gradation de la note financière de l’Afrique du Sud par l’agence Moody’s, la seule des trois grandes Ă  ne pas l’avoir encore dĂ©gradĂ©e au rang d’investissement spĂ©culatif.

Fitch and S&P l’ont relĂ©guĂ©e dans cette catĂ©gorie dès 2017.

« Nous ne sommes plus très loin d’une dĂ©gradation de Moody’s. Si nous ne stabilisons pas le dĂ©ficit et ne contrĂ´lons pas nos dĂ©penses, ils n’hĂ©siteront pas Ă  le faire », avertit Johann Els.

Une telle sanction pourrait causer un exode des investisseurs et accroître la pression sur la devise locale, le rand.

De l’avis de tous les analystes, les mauvaises performances de l’Ă©conomie sud-africaine sont largement imputables Ă  sa mauvaise gestion, ainsi que l’illustre la situation financière inquiĂ©tante des entreprises publiques du pays.

L’Etat est contraint de renflouer rĂ©gulièrement les caisses des deux plus emblĂ©matique d’entre elles, le gĂ©ant de l’Ă©lectricitĂ© Eskom et la compagnie South African Airways. Les difficultĂ©s du premier ont mĂŞme convaincu la Banque mondiale d’abaisser sous les 1% sa prĂ©vision de croissance pour 2020.

« Le gouvernement doit s’Ă©loigner au plus vite de la culture des dĂ©penses de consommation pour privilĂ©gier les investissements dans les infrastructures », recommande Azar Jammine, l’Ă©conomiste en chef du consultant Econometrix.

L’opposition, elle, agite dĂ©jĂ  la menace d’une « crise fiscale ».

« L’insuffisance de la croissance exclut de nouveaux impĂ´ts pour accroĂ®tre les recettes », a estimĂ© le dĂ©putĂ© Geordin Hill-Lewis, en charge des Finances au sein de l’Alliande dĂ©mocratique (DA).

Le ministre « doit présenter un plan crédible pour stabiliser la dette nationale et contenir le déficit budgétaire », a-t-il ajouté.

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