Le couloir de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) est devenu le théâtre d’un rendez-vous manqué. Ce mardi 21 octobre, pour la quatrième fois consécutive, la justice a tourné la page sans écouter l’affaire Ibrahima Kourouma. Le juge Francis Kova Zoumanigui a une nouvelle fois repoussé l’ouverture des débats en appel, invoquant une énième « raison de formation ». Une litanie de reports qui transforme ce procès en symbole des lenteurs judiciaires face à la délinquance financière.
L’ancien ministre de l’Enseignement préuniversitaire, condamné en première instance à quatre ans de prison ferme et trois milliards de francs guinéens d’amende pour enrichissement illicite, voit son sort suspendu à des calendriers qui semblent fuir. Son directeur administratif et financier, Mohamed V. Sankhon, précédemment relaxé, reste dans l’attente. La CRIEF, elle, s’enfonce dans un scénario répétitif où les absences – agent judiciaire de l’État, conseiller, membre du collège – deviennent les personnages principaux d’une pièce sans dénouement.
LA SUITE APRÈS LA PUBLICITÉ
Chronique d’un procès annoncé
Le feuilleton judiciaire a débuté bien avant cette quatrième tentative. Le 29 juillet, premier report, à la veille des vacances judiciaires. Le 7 octobre, deuxième ajournement. Le 14 octobre, troisième échec. Quatre rendez-vous, quatre faux départs. Chaque fois, la raison officielle varie légèrement, mais le résultat demeure : la salle d’audience reste vide de débats, et le dossier, plein de questions.
Au-delà de l’homme Kourouma, c’est la crédibilité de l’institution qui se joue dans ce ballet d’excuses. Comment expliquer à l’opinion publique que la justice, si prompte à condamner en première instance, semble incapable de réunir les conditions de son propre travail en appel ? La lutte contre la corruption, chantier prioritaire des autorités, peut-elle se permettre de tels délais ?
La CRIEF, une cour à l’épreuve d’elle-même
Ce report n’est pas isolé. Dans l’ombre de l’affaire Kourouma, d’autres dossiers économiques – l’affaire Bajaj, l’affaire Fatoumata Traoré – subissent le même sort. Comme si la cour tout entière peinait à fonctionner, engluée dans des difficultés logistiques ou des jeux d’influence.
Le juge Zoumanigui, qui préside aux destinées de la chambre des appels, devient malgré lui le visage de ces atermoiements. Chaque « raison de formation » invoquée alimente les doutes sur l’autonomie et la capacité de la justice à trancher les dossiers sensibles. L’enjeu n’est plus seulement le verdict, mais la démonstration que la Guinée possède une justice capable de rendre ses arrêts dans des délais raisonnables.
Alors que le procès est désormais renvoyé au 28 octobre, l’attente se prolonge. Une attente qui use la confiance, nourrit les spéculations et laisse planer une question troublante : la justice guinéenne saura-t-elle un jour venir à bout de son propre calendrier ?
