Le Collectif des ONG pour la Défense des Droits des Communautés vient d’interpeler l’Etat guinéen sur les graves manquements dans la gestion des déplacements physiques et économiques involontaires des communautés locales.
Au cours d’une conférence de presse tenu ce jeudi 21 mars 2019, ce collectif a demandé au Gouvernement guinéen de revoir radicalement le texte du document ‘’Cadre National d’Acquisition des Terres et de la Relocalisation’’, qui est un guide pour la gestion des déplacements physiques et économiques involontaires pour les projets du secteur public et privé en Guinée.
Ce document présenté le 5 mars dernier par le comité interministériel vise à établir une politique nationale sur la relocalisation, l’indemnisation et la compensation des communautés impactées par les grands projets de développement menés en Guinée, comme la construction des barrages hydroélectriques ou l’installation des mines. Selon ce Collectif, ce document produit par le cabinet de consulting sud-africain SRK avec un financement de l’agence allemande pour la coopération internationale pour le développement GIZ, ne respecte pas le droit guinéen et ne tient pas compte des réalités socioculturelles locales. Ce collectif affirme qu’avec ce processus, les droits humains de plus de 100 000 personnes sont menacés.
En se basant sur leur constat, le coordinateur du Collectif des ONG pour la Défense des Droits des Communautés a soulevé des manquements qu’il qualifie des graves qui selon lui pourraient toucher les droits des communautés. Il explique aussi qu’ils ont recensé des points qui pourraient mettre en mal l’application de ce document.
« Le document est sensible. Puisqu’il s’agit d’un document sensible, l’élaboration devrait suivre une méthodologie inclusive. Parmi ces points, nous avons la consultation des communautés à la base. Nous pensons qu’un tel document devrait être mis sur la table des communautés pour recueillir leurs appréciations. Puis que nous sommes dans un pays avec des spécificités sociologiques. Au-delà de ces communautés, nous avons les élus locaux et ils n’ont pas été consultés. Nous constatons encore que le document va être pris sous forme du décret alors que les élus du peuple sont là qui sont les députés. Dans ce même document nous avons constaté qu’il n’y a aucune mesure anticorruption, aucune mesure de sécurisation des droits fonciers collectifs et individuels en aval. Autre chose que nous avons noté dans ce document, c’est le manque de protection des personnes vulnérables et des communautés en générale. Ce document ne fait même pas expressément référence à la législation guinéenne, pour nous c’est un manquement. Nous avons aussi identifié dans ce document, l’absence d’un cadre institutionnel suffisant, le document ne fait pas mention aussi l’accompagnement des communautés, il n’y a pas eu aussi la prise en compte des spécificités sociologiques de la Guinée », a expliqué Saa Parscal Tenguiano.
Pour corriger ces manquements soulevés et constatés, le collectif a fait des propositions aux autorités. « Il serait important que ce document retourne à la base et que le contenu du document soit largement diffusé auprès des élus locaux et au niveau des communautés en langues nationales pour que les communautés comprennent de quoi il s’agit. Parce que c’est une question très sensible qui est celle de la terre. Nous demandons encore que le document passe sur la table de l’Assemblée Nationale », a formulé le conférencier.
Le point focal de la Convergence Globale de Lutte pour les Terres, Eaux et Semence Paysanne en Afrique Occidentale et qui est en même temps membre de ce collectif a invité les autorités guinéennes à sécuriser les terres pour éviter qu’il y ait des populations sans terre en République de Guinée.
« La terre c’est la vie. Pour nous de la convergence, c’est une sécurisation collective des terres rurales qu’on demande à la Guinée et non des politiques des terres. Il faut qu’on soit clair là-dessus, nous ne voulons pas assister à la création des populations sans terres en Guinée. Au Mali il y a des villages sans terres. L’industrialisation nous la voulons oui, mais avec une modération pour que ça impacte positivement les communautés. Créer des communautés sans terres c’est créer des crises », a averti Maladho Diallo.
Présent à cette conférence, le Maire de la commune rurale de Sangarédji a énuméré quelques problèmes auxquels les citoyens de sa localité sont confrontés. Parmi ces problèmes il y a le manque des habitations confortables, le manque des terres où ils vont pratiquer l’agriculture et l’élevage et la chaleur causée par l’exploitation de la bauxite.
« Les populations ont de nombreuses préoccupations. La première, c’est le manque des terres cultivables pour continuer leurs activités afin de survivre. L’autre préoccupation, c’est là où pratiquer l’élevage. Parce que là où ces citoyens habitent c’est un ancien site où on a exploité la bauxite donc il n’y a absolument rien. D’ici qu’on ne plante des arbres et que ces arbres grandissent et produisent de l’ombrage ça va faire beaucoup d’années. C’est un réel problème, tout est à ciel ouvert, il n’y a aucun arbre, aucune herbe et la température à Sangarédji peut aller jusqu’à 45°C », a énuméré le Maire Mamadou Houdy Bah avant de lancer un appel à l’Etat guinéen.
« Nous demandons aux autorités d’accepter de se rendre sur le terrain avec le cabinet qui en train de rédiger ce document pour écouter réellement et demander les vraies préoccupations des communautés afin que ces préoccupations soient prises en compte », a sollicité ce responsable local.