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A Conakry, les motos-taxis ont la cote

Accidents de la route et agressions physiques font partie du lot quotidien des conducteurs de motos-taxis à Conakry. De nombreux…

Accidents de la route et agressions physiques font partie du lot quotidien des conducteurs de motos-taxis à Conakry. De nombreux jeunes tentent de gagner leur vie en transportant des passagers aux quatre coins de la capitale guinéenne, avec ces deux-roues impliqués dans 34% des accidents de la circulation.

Au carrefour situé près du cimetière de Lambanyie, dans la banlieue de Conakry, des dizaines de motos sont alignées. Les motards attendent les passagers, qui viennent les enfourcher pour vaquer à leurs occupations.

Des jeunes étudiants ou des diplômés d’établissements d’enseignement supérieur font partie des conducteurs de ces véhicules qui se substituent aux taxis et autres moyens de transport à Conakry. Conducteur de moto-taxi est un métier en vogue du secteur informel guinéen.

« Chaque fois que je n’ai pas cours, je viens chercher de quoi financer mes études. Je consacre une partie de mes heures à la révision des cours, et l’autre à ma moto », explique Thierno Souleymane Diallo, un étudiant en licence d’administration. Emmanuel Dogbo Nikavogui aussi a jeté son dévolu sur une moto « pour ne pas rester les bras croisés », depuis la fin de ses études en 2015.

Mohamed Lamine Diallo, titulaire d’un diplôme de « méthode informatique appliquée à la gestion de l’entreprise », est devenu conducteur de taxi-moto, faute d’un emploi après sa formation. « Je peux gagner jusqu’à 100.000 francs guinéens (un peu plus de 10 euros) », dit-il, précisant que le quart de l’argent gagné est affecté à l’achat du carburant.

D’autres évaluent leur gain quotidien à 150.000 francs guinéens (environ 15 euros). Ils profitent de l’attachement grandissant des Guinéens pour les motos-taxis, au détriment des moyens de transport classiques.

Pour de nombreux cadres de l’administration, hommes d’affaires et autres acteurs de la vie économique guinéenne, la moto-taxi est le plus rapide des moyens de transport utilisés à Conakry. « La plupart des gens à Conakry préfèrent les motos-taxis. C’est des gens qui se lèvent tôt et qui doivent arriver à l’heure », explique un jeune conducteur.

La moto a l’avantage de faciliter mieux que n’importe quel autre véhicule l’accès aux quartiers les plus enclavés de la banlieue de Conakry. « Il y a des endroits où les voitures ne peuvent pas accéder. Seules les motos peuvent y aller », affirme Ahmed Tidiane Diallo, l’un des usagers de ces deux-roues.

La prolifération de motos-taxis à Conakry s’explique aussi par le manque de moyens de transport en commun. La société publique de transport en commun de la Guinée a fermé ses portes. Les quelques bus en circulation dans la ville sont insuffisants pour ses deux millions d’habitants.

Selon une habitante, les usagers ont la possibilité d’appeler un conducteur par téléphone pour qu’il vienne les conduire au lieu de destination de leur choix.

Mais il faut signaler que l’environnement des motos-taxis comporte des risques, pour les passagers et les conducteurs. Des conducteurs de moto ont eu à subir la loi des malfaiteurs et autres escrocs. Moussa Traoré a eu la malchance de voir un passager s’évaporer dans la nature avec sa moto. Arrivé à destination, le passager a trompé sa vigilance pour enfourcher seul le véhicule et partir en trombe, le laissant à carreau.

Il arrive aussi que des conducteurs de motos soient violentés et même tués. Cineta Doré évoque deux cas d’agressions mortelles, dont ont été victimes des conducteurs tombés dans le piège de passagers indélicats. La forte concurrence du secteur et le manque de vigilance amènent certains conducteurs à prendre des passagers pour des destinations qu’ils connaissent peu ou pas du tout.

Les risques d’accident sont également élevés chez les motos-taxis. Ces véhicules sont impliqués dans 34 % des accidents de la circulation à Conakry, selon le commissaire Boubacar Kassé, porte-parole de la police guinéenne. M. Kassé dénonce par ailleurs l' »incivisme » des conducteurs de ces engins. « Ils ont un très mauvais comportement sur la voie publique. En 2016, nous avons dénombré 1.810 cas d’accident concernant des motos, et 3.130 en 2017″, indique-t-il.

De son côté, la direction nationale de la police routière a pris des mesures de renforcement de la sécurité sur les routes en Guinée. Son directeur, Boubacar Sarr, affirme qu' »une moto ne doit pas transporter une femme en état de grossesse ». « Sur une moto, il faut avoir des chaussures fermées et porter un casque de protection », ajoute-t-il, laissant entendre que ces règles sont souvent négligées par les usagers des motos-taxis.

« Je n’aime pas le casque parce que c’est lourd sur la tête », s’explique un conducteur de moto, tout en reconnaissant que cet outil est un gage de sécurité. « Je n’ai jamais songé au casque. Je viens, je monte et puis je m’en vais », lance un passager.

Des réformes visant à renforcer la sécurité dans le secteur des motos-taxis seront mises en œuvre, selon M. Sarr. Il déplore que certains conducteurs prennent le soin d’avoir un casque, sans en prévoir pour leurs clients, lesquels font fi de cette règle. La surcharge de passagers est l’un des impairs du secteur. Abdoulaye Bah l’explique par la gourmandise des conducteurs. Certains passagers se déplacent en groupe et tiennent à voyager ensemble sur la même moto.

Les accidents de moto, « c’est énorme, c’est un problème »

Les accidents de moto sont la première cause d’hospitalisation au département traumatologie de l’hôpital de l’Amitié sino-guinéenne de Conakry, selon Yacouba Camara, le médecin-chef des services d’orthopédie et de traumatologie de cet établissement de santé. « Nous avons mené une enquête sur les urgences traumatologiques, qui démontre que 34 % des patients ont subi des accidents de moto. (…) C’est énorme. C’est un problème (…) La plupart du temps, les accidentés arrivent dans un état grave », explique M. Camara.

Naby Bangoura, un menuisier, a été hospitalisé pendant 9 neufs mois à l’hôpital de l’Amitié sino-guinéenne. En rejoignant son lieu de travail, il a été victime d’un accident de moto et s’est retrouvé avec une jambe broyée.

Les chauffeurs de motos-taxis tentent de bien organiser ce secteur d’activité. Ibrahima Barry s’occupe du volet social d’une association de conducteurs, qui se cotisent pour venir en aide à leurs collègues en cas d’accident. « Avec notre argent, on s’occupe même des passagers en cas d’accident, en contribuant financièrement à la prise en charge médicale et à l’achat des ordonnances », assure M. Barry.