Dans un geste à la fois protocolaire et politique, la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a annoncé ce mercredi, le déploiement d’une mission d’observation électorale en Guinée. À peine quelques jours avant le référendum constitutionnel controversé du 21 septembre, l’organisation régionale envoie ainsi 11 experts électoraux sur le terrain, comme pour tenter d’encadrer un scrutin déjà rejeté par une large frange de la classe politique.
Dirigée par M. Serigne Mamadou Ka, chef par intérim de la Division de l’assistance électorale de la CEDEAO, la mission sera déployée du 17 au 23 septembre dans cinq régions stratégiques : Conakry, Kankan, Kindia, Mamou et Labé. Un maillage territorial ciblé, destiné à couvrir les principaux foyers de tension et de participation.
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Un accompagnement sous conditions
Dans son communiqué, la CEDEAO justifie sa décision par son engagement à « accompagner le peuple et le gouvernement de la République de Guinée » dans cette « étape cruciale ». L’organisation souligne agir « conformément à ses protocoles », qui promeuvent la démocratie et la bonne gouvernance, et dans le but avoué de « contribuer à la réussite du processus de transition ».
Des mots choisis, presque diplomatiques, qui contrastent avec la réalité d’un pays profondément divisé. Quelques jours plus tôt, l’ancien président Alpha Condé appelait au boycott pur et simple du scrutin, qualifié de « mascarade » et rejetant en bloc la légitimité de la junte au pouvoir depuis le putsch du 5 septembre 2021.
Observer quoi ? Et comment ?
La mission de la CEDEAO se trouve ainsi dans une position délicate. Que viendra-t-elle observer ? La régularité technique du vote ? La liberté de campagne ? La sincérité du scrutin ? Autant de questions qui se heurtent à un contexte politique explosif, où l’opposition refuse de participer et où la population semble partagée entre lassitude et défiance.
Les experts devront donc naviguer entre les exigences protocolaires et une réalité de terrain hostile. Leur présence alone sera interprétée : comme un signe de légitimation par le pouvoir transitionnel, comme une caution impuissante par l’opposition.
La CEDEAO sur la corde raide
Pour l’organisation ouest-africaine, il s’agit aussi d’un test de crédibilité. Après avoir été critiquée pour son attentisme lors du coup d’État de 2021, puis pour sa difficulté à influer sur la transition, la CEDEAO tente de reprendre la main en s’immisçant dans le processus. Mais elle le fait avec prudence, évitant soigneusement toute prise de position qui pourrait être perçue comme un soutien ou une opposition frontale au régime.
Le véritable verdict, cependant, ne viendra pas des observateurs. Il viendra des urnes – ou plutôt de leur taux de remplissage. Si le boycott suit massivement l’appel d’Alpha Condé, le scrutin, même techniquement régulier, sera politiquement vide. Et le rapport de la CEDEAO, quel qu’il soit, ne changera rien à l’affaire : la Guinée restera ingouvernable, et la transition, bloquée.
La mission d’observation est donc moins un gage de démocratie qu’un baromètre de crise. Elle mesure l’étendue des dégâts bien plus qu’elle ne les répare. Et son succès ne se jugera pas à la qualité de son rapport, mais à sa capacité à éviter le pire : une nouvelle descente aux enfers politiques pour la Guinée.
