Bah Oury sur France 24 : « Laissons Doumbouya candidat comme tout citoyen »

Le verbe est posé, la rhétorique, maîtrisée. Face aux questions pressantes de Marc Perelman sur le plateau de France 24,…

Le verbe est posé, la rhétorique, maîtrisée. Face aux questions pressantes de Marc Perelman sur le plateau de France 24, ce mercredi, le Premier ministre guinéen Bah Oury a livré une performance d’équilibriste. Interrogé sur une éventuelle candidature du général Mamadi Doumbouya à la présidentielle – pourtant interdite par la charte de transition –, le chef du gouvernement a soigneusement évité de fermer toute porte. « Laissons-lui le soin, comme à d’autres citoyens de la République de Guinée, de se porter candidat », a-t-il déclaré, renvoyant la décision à la seule volonté du président de la transition.

Une réponse évasive qui contraste avec les promesses répétées du général de ne pas se présenter. Mais pour Bah Oury, cette question n’est tout simplement « pas à l’ordre du jour ». Le vrai débat, selon lui, devrait porter sur le projet de nouvelle Constitution, censé « rassembler le peuple de Guinée » et « renforcer l’intégration de toutes les communautés ».

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Une Constitution « taillée sur mesure » ?

Le journaliste n’a pas lâché prise. « Le président avait promis à plusieurs reprises qu’il ne se présenterait pas. Cela ne vous trouble-t-il pas que, dorénavant, il y ait une constitution qui lui permette de se représenter, qui, en plus, élimine ses principaux opposants, taillée sur mesure pour lui ? »

En réponse, le Premier ministre a botté en touche, invoquant l’histoire « tragique » de la Guinée, souvent focalisée sur les individus plutôt que sur les projets. « Ce que nous cherchons, c’est de donner la chance à tous ceux qui estiment pouvoir incarner un projet de le proposer au peuple », a-t-il argué, sans jamais confirmer ni infirmer les ambitions électorales de Doumbouya.

Alpha Condé, un « has-been » ?

Parmi les opposants les plus virulents, l’ancien président Alpha Condé, qui a appelé au boycott du référendum, est directement visé par Bah Oury. « Voulez-vous qu’il restaure l’ordre ancien ? », lance-t-il, avant d’ajouter : « leur passé qui, peut-être, en relation avec la justice, les amène à être dehors ». Une allusion à peine voilée aux poursuites judiciaires qui pèsent sur l’ex-chef de l’État et à son exil de fait.

Pour le Premier ministre, l’heure n’est plus aux « individualités » mais aux « projets ». « Si tel n’est pas le cas, cela signifie qu’ils sont devenus des has-beens », assène-t-il, dans une formule cinglante qui résume sa vision : tourner la page des anciens régimes pour entrer dans une nouvelle ère politique.

Stratégie ou fuite en avant ?

Derrière les mots policés et les appels à l’apaisement, le message est pourtant clair : le régime transitionnel n’exclut rien. Ni la candidature de Doumbouya, ni l’éviction politique des figures de l’ancien système.

En refusant de fermer explicitement la porte à une candidature du général, Bah Oury l’entrouvre grand. Et en disqualifiant ses opposants au nom de leur « passé », il dessine les contours d’une future campagne où le président de la transition pourrait bien se présenter en outsider, porteur d’un « projet » nouveau face à des « has-beens » usés.

Reste à savoir si le peuple guinéen suivra – et si la communauté internationale acceptera de voir ainsi plier les règles d’une transition pourtant promise à un retour à l’ordre constitutionnel.

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