La voix est ferme, le ton sans appel. Pour la première fois depuis son éviction brutale du pouvoir, l’ancien président guinéen Alpha Condé rompt un long silence. Et ce qu’il dit, ce mercredi, ressemble à une déclaration de guerre politique. Dans un message cinglant, l’ex-chef de l’État appelle les Guinéens à boycotter massivement le référendum constitutionnel annoncé pour le 21 septembre par la junte au pouvoir. Il qualifie sans détour la consultation de « mascarade », jetant une pierre lourde dans le jardin déjà bien encombré de la transition.
« Restez chez vous le 21 septembre », lance-t-il, s’adressant directement à une population qu’il exhorte à ne pas se laisser « abuser ». Pour lui, aucun acte posé par ce « régime illégal et illégitime » ne saurait avoir la moindre valeur. Le message est on ne peut plus clair : pas de légitimité, pas de reconnaissance, pas de participation.
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Un réquisitoire sans concession contre la junte
Le fond de sa prose est bien plus qu’un simple appel à l’abstention. C’est un véritable réquisitoire, d’une rare violence verbale, contre les auteurs du putsch du 5 septembre 2021. Il les accuse d’avoir « plongé la nation dans une situation catastrophique », pointant du doigt une « gestion improvisée » et une « cupidité » qui auraient aggravé la misère économique, « détruit le tissu social » et isolé diplomatiquement la Guinée.
Pire encore, il fustige une junte « sans foi ni loi » qui « s’obstine à confisquer la souveraineté du peuple au profit de ses intérêts mafieux ». Des mots lourds, qui sonnent comme une accusation de haute trahison et dressent un portrait au vitriol d’un pouvoir accaparé par ses seuls appétits.
La légitimité perdue du 5 septembre 2021
Toute la stratégie rhétorique de Condé repose sur une date clé : le 5 septembre 2021. Ce jour-là, selon lui, la « marche démocratique » de la Guinée a été interrompue « dans la violence et le sang ». En refusant de participer au référendum, estime-t-il, les Guinéens rappelleront à la « face du monde » que leur pays est « pris en otage » depuis cette rupture.
Il en appelle donc à l’unité, à la dignité et à la mobilisation contre ce qu’il perçoit comme une « confiscation de la souveraineté » et un « braquage de l’avenir de la nation ». Et il assure lui-même vouloir poursuivre la lutte pour la « restauration de l’ordre constitutionnel ».
Une sortie qui change la donne
Cette intervention publique, rare et calculée, replace Alpha Condé au cœur de l’échiquier politique guinéen. Elle offre une voix et une figure de opposition structurée à tous ceux qui rejettent la légitimité de la transition.
En appelant au boycott, il ne fait pas que critiquer : il tente de délégitimer par avance le processus en cours, quel qu’en soit le résultat. Le risque est désormais celui d’une participation extrêmement faible, qui donnerait raison à l’ancien président et affaiblirait d’autant plus la junte.
La balle est maintenant dans le camp des autorités de la transition. Comment réagiront-elles à cette charge frontale ? Et surtout, comment les Guinéens répondront-ils à cet appel à la résistance passive ?
Une chose est sûre : le référendum du 21 septembre se tiendra désormais sous une pression et une polarisation accrues. Loin d’apaiser les tensions, la consultation promise pourrait bien être le déclencheur d’une nouvelle phase de confrontation dans une Guinée plus divisée que jamais.
