Le coronavirus, apocalypse planĂ©taire ou broutille sur laquelle on fait trop de battage? Ni l’un ni l’autre, rĂ©pondent les experts Ă cette question qui taraude le grand public: les risques, bien rĂ©els, pèsent sur les plus fragiles et sur les hĂ´pitaux qui doivent Ă©viter d’ĂŞtre dĂ©bordĂ©s.
– Qui est le plus Ă risque?
La mortalitĂ© augmente nettement avec l’âge: c’est ce que montre l’analyse la plus complète Ă ce jour, publiĂ©e le 17 fĂ©vrier par les autoritĂ©s chinoises, puis le 24 dans la revue mĂ©dicale amĂ©ricaine Jama.
Sur près de 45.000 cas confirmĂ©s, le taux moyen de mortalitĂ© est de 2,3%. Mais aucun dĂ©cès n’est Ă dĂ©plorer parmi les enfants de moins de 10 ans. Jusqu’Ă 39 ans, le taux de mortalitĂ© reste très bas, Ă 0,2%, puis passe Ă 0,4% chez les quadragĂ©naires, 1,3% chez les 50-59 ans, 3,6% chez les 60-69 ans et 8% chez les 70-79 ans.
Les personnes âgées de plus de 80 ans sont les plus à risque avec un taux de mortalité de 14,8%.
« Le problème, c’est que quand on parle d’un mort liĂ© au coronavirus, on ne prĂ©cise presque jamais la raison pour laquelle il est mort », dit Ă l’AFP Michel Cymes, mĂ©decin et animateur tĂ©lĂ© très populaire en France.
« Quand quelqu’un de 85 ans meurt du coronavirus, ce n’est pas le coronavirus qui le tue », mais plus souvent « les complications qui atteignent des organes qui n’Ă©taient pas en bon Ă©tat », ajoute-t-il.
Autre facteur de risque: le fait d’avoir une maladie chronique (insuffisance respiratoire, pathologie cardiaque, antĂ©cĂ©dent d’AVC, cancer…).
Mais les millions de personnes qui souffrent de ces maladies ne doivent pas paniquer pour autant.
Pour le professeur français Jean-Christophe Lucet, le risque concerne avant tout les patients atteints des formes sĂ©vères de ces maladies. « Il faut ĂŞtre extrĂŞmement clair » sur ce point, souligne-t-il Ă l’AFP.
« Le patient qui a un diabète, le patient qui a une hypertension artĂ©rielle, c’est des patients qui ne sont pas des patients Ă risque », rassure-t-il. « Les patients Ă risque, ce sont ceux qui ont des maladies cardiaques graves, des maladies respiratoires sĂ©vères, par exemple des bronchopneumathies chroniques obstructives (BPCO) avancĂ©es ».
– A quel nombre de morts s’attendre?
Plus mortel que la grippe saisonnière, mais moins virulent que les prĂ©cĂ©dentes Ă©pidĂ©mies liĂ©es Ă un coronavirus: voilĂ oĂą semble se situer la dangerositĂ© du Covid-19, mĂŞme si l’on ne connaĂ®t pas encore avec prĂ©cision son taux de mortalitĂ©.
Selon l’Ă©tude du 24 fĂ©vrier, la maladie est bĂ©nigne dans 80,9% des cas, « grave » dans 13,8% des cas et « critique » dans 4,7% des cas.
A ce stade, 3,4% des patients confirmĂ©s positifs dans le monde sont dĂ©cĂ©dĂ©s. Mais sur quelque 100.000 cas positifs au total, plus de la moitiĂ© sont dĂ©jĂ guĂ©ris, selon l’universitĂ© amĂ©ricaine Johns Hopkins, qui tient un dĂ©compte quotidien.
La dangerositĂ© d’une maladie ne dĂ©pend pas seulement du taux de mortalitĂ© dans l’absolu, mais aussi de sa facultĂ© Ă se rĂ©pandre plus ou moins largement.
« MĂŞme si seuls 3% des cas dĂ©cèdent, ça peut faire des chiffres importants si 30% ou 60% d’une population sont infectĂ©s », souligne le Dr Simon Cauchemez, de l’Institut Pasteur Ă Paris.
« Nous n’allons pas tous mourir : dans le pire scĂ©nario, 0,4% des Belges mourront, en large majoritĂ© dans les plus de 80 ans. ArrĂŞtez la psychose », a Ă©crit cette semaine sur son blog le mĂ©decin belge Philippe Devos, dans une analyse du risque intitulĂ©e « Coronavirus: Armageddon ou foutaise? »
– Les hĂ´pitaux vont-ils ĂŞtre dĂ©bordĂ©s?
C’est le principal danger de l’Ă©pidĂ©mie en cours.
Alors que le nombre de cas augmente un peu partout, l’enjeu est de « ne pas saturer les capacitĂ©s d’hospitalisation des Ă©tablissements de santĂ© et (…) rĂ©server les ressources des Ă©tablissements de santĂ© aux cas les plus graves », selon un guide du ministère de la SantĂ© français destinĂ© aux soignants.
Au fur et à mesure que les cas se multiplient, les patients atteints par une forme légère du Covid-19 ne sont plus hospitalisés mais restent chez eux. De même, des hospitalisations non urgentes sont repoussées pour laisser la place aux malades les plus touchés par le Covid-19.
Si l’hĂ´pital sature, « on a un gros risque de monter Ă (…) 33.150 morts sur 11 millions d’habitants (0,3% de la population belge qui meurt). C’est +peu+ (on ne va pas tous mourir comme on l’entend parfois) mais quand mĂŞme 100 fois plus que le nombre de tuĂ©s sur les routes chaque annĂ©e », Ă©crit le Dr Devos.
L’autre prioritĂ© est d’Ă©viter que les soignants soient eux-mĂŞme contaminĂ©s en nombre, ce qui rendrait encore plus difficile la prise en charge des malades.
Si ces questions sont dĂ©jĂ cruciales dans les pays riches, elles se posent avec encore plus d’acuitĂ© dans les pays pauvres.
– Quelle transmission, quels symptĂ´mes?
Le virus se transmet essentiellement par voie respiratoire et par contact physique. La transmission par voie respiratoire se fait dans les gouttelettes de salive expulsées par le malade, par exemple quand il tousse. Les scientifiques estiment que cela nécessite une distance de contact rapprochée (environ un mètre).
Pour Ă©viter la contagion, les autoritĂ©s sanitaires insistent sur l’importance des mesures-barrières: Ă©viter de se serrer la main et de s’embrasser, se laver les mains frĂ©quemment, tousser ou Ă©ternuer dans le creux de son coude ou dans un mouchoir jetable, porter un masque si on est malade…
Les symptĂ´mes les plus courants « comprennent les troubles respiratoires, de la fièvre, une toux, un essoufflement et des difficultĂ©s respiratoires », indique l’OMS. « Dans les cas les plus graves, l’infection peut entraĂ®ner une pneumonie, un syndrome respiratoire aigu sĂ©vère, une insuffisance rĂ©nale, voire la mort ».
Il n’existe ni vaccin ni mĂ©dicament et la prise en charge consiste Ă traiter les symptĂ´mes. Certains patients se voient malgrĂ© tout administrer des antiviraux ou d’autres traitements expĂ©rimentaux, dont l’efficacitĂ© est en cours d’Ă©valuation.
– Quid des animaux domestiques?
Le cas d’un chien testĂ© « faiblement positif » Ă Hong-Kong, alors que son maĂ®tre Ă©tait lui-mĂŞme contaminĂ©, a soulevĂ© des questions sur les infections homme-animal.
Mais les scientifiques insistent sur le fait que ce cas est isolĂ© et qu’on ne peut en tirer aucune conclusion.
« Il faut faire la diffĂ©rence entre une vraie infection et le fait de simplement dĂ©tecter la prĂ©sence du virus », souligne le Pr Jonathan Ball, de l’universitĂ© anglaise de Nottingham.
« Cela nĂ©cessite d’en savoir plus, mais il ne faut pas paniquer, ajoute-t-il. Je doute que ce chien puisse transmettre le virus Ă un autre chien ou Ă un homme, en raison du faible niveau de virus dĂ©tectĂ©. Le vrai moteur de l’Ă©pidĂ©mie, c’est la transmission d’humain Ă humain. »