La Cour suprĂŞme des Etats-Unis se penche Ă nouveau mercredi sur le droit des femmes Ă avorter qu’elle a reconnu il y a près d’un demi-siècle, mais dont l’application est très variable d’un Etat Ă l’autre.
– Le cadre lĂ©gislatif
Dans son arrĂŞt emblĂ©matique Roe v. Wade, la Cour suprĂŞme des Etats-Unis a reconnu en 1973 un droit des femmes Ă avorter dans l’ensemble du pays.
Elle a prĂ©cisĂ© en 1992 que les femmes pouvaient dĂ©cider d’interrompre leur grossesse tant que le foetus n’Ă©tait pas viable, ce qui est gĂ©nĂ©ralement compris autour de la 24e semaine.
Si les 50 Etats conservent le droit de lĂ©gifĂ©rer en matière d’avortement pour assurer que la santĂ© des femmes n’est pas compromise, ils n’ont pas le droit de crĂ©er un obstacle insurmontable pour les patientes, a-t-elle Ă©galement jugĂ©.
– Le patchwork gĂ©ographique
La notion d’obstacle insurmontable Ă©tant sujette Ă interprĂ©tation, les Etats conservateurs et religieux du sud et du centre du pays ont multipliĂ© les lĂ©gislations pour restreindre l’accès Ă l’avortement.
Ces lois ont poussĂ© de nombreuses cliniques Ă mettre la clĂ© sous la porte. Six Etats (dont le Mississippi ou le Missouri) n’ont plus qu’une structure pratiquant des IVG, alors qu’il y en a plus de 150 en Californie.
D’autres textes obligent les mĂ©decins Ă faire entendre les battements de coeur du foetus Ă leur patiente, Ă leur parler d’un lien (non prouvĂ©) entre l’avortement ou le cancer du sein ou encore de la souffrance prĂ©sumĂ©e du foetus.
– Les chiffres
Un peu plus de 862.000 avortements ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s en 2017 aux Etats-Unis, ce qui revient Ă 13,5 interruptions volontaires de grossesse (IVG) pour 1.000 femmes en âge de procrĂ©er, un taux comparable Ă la France ou la Grande-Bretagne et en baisse rĂ©gulière depuis des dĂ©cennies, selon l’institut Guttmacher.
Mais lĂ encore, les Ă©carts sont importants entre les cĂ´tes et le Centre ou le Sud: d’après le Centre pour le contrĂ´le et la prĂ©vention des maladies (CDC), le taux d’avortement est de 6,2 pour 1.000 en Alabama (Sud) et de 23,1 pour 1.000 dans l’Etat de New York.
– Les clivages dans l’opinion
Le sujet de l’avortement est extrĂŞmement clivant aux Etats-Unis: 58% des AmĂ©ricains estiment que l’avortement devrait ĂŞtre lĂ©gal, et 37% souhaitent son interdiction, selon un sondage du Centre de recherches Pew de 2018.
Les diffĂ©rences d’opinion suivent en grande partie les lignes partisanes avec des dĂ©mocrates largement favorables au droit des femmes Ă avorter, et des rĂ©publicains, surtout dans les milieux Ă©vangĂ©liques, majoritairement opposĂ©s aux IVG.
– L’offensive rĂ©cente
Lors de sa campagne 2016, Donald Trump a courtisĂ© la droite religieuse en promettant de nommer Ă la Cour suprĂŞme des Etats-Unis des juges opposĂ©s Ă l’avortement. Depuis son arrivĂ©e Ă la Maison Blanche, il y a fait entrer deux nouveaux magistrats (sur neuf juges au total).
Leur arrivĂ©e a galvanisĂ© les opposants Ă l’avortement dans les Etats de la « Bible Belt » qui ont adoptĂ© une sĂ©rie de lois en contradiction flagrante avec la jurisprudence de la Cour suprĂŞme, allant jusqu’Ă interdire d’avorter mĂŞme en cas de viol (en Alabama).
Ces textes ont Ă©tĂ© logiquement bloquĂ©s en justice mais leurs promoteurs ont l’intention de multiplier les appels jusqu’Ă la haute Cour pour lui fournir l’occasion de revenir sur son arrĂŞt de 1973. Cela permettrait Ă chaque Etat de faire ce qu’il veut et augmenterait encore les inĂ©galitĂ©s territoriales.
Sans aller jusque lĂ , il est possible que la haute juridiction « grignote » peu Ă peu le droit Ă l’avortement en validant encore plus de lois restrictives.